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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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assistance. Finalement, Shuganan sortit de l'ulaq et vint prêter main forte à Chagak en saisissant la peau et en s'appuyant dessus tandis que la jeune fille tirait de l'autre côté. A un moment donné, les doigts de Shuganan glissèrent et il tomba durement par terre. Homme-Qui-Tue éclata de rire. Mais Shuganan se releva et recommença à tirer la peau, ses doigts déformés blanchissaient aux jointures. La colère de Chagak grandissait avec chaque mouvement de sa main tenant la pierre, chaque coup se répercutait dans son esprit au même rythme que la pierre. Mais elle se souvint pourquoi elle était sortie, pourquoi elle avait décidé de tanner cette peau. Elle voulait surveiller Homme-Qui-Tue. Il y avait une chance pour qu'elle remarque quelque chose qui pourrait l'aider à fuir.
    Chagak arriva enfin au bout de sa tâche. La peau n'était pas aussi souple qu'elle l'aurait voulu, comme elle l'aurait été si son père ou son oncle l'avait aidée, mais elle l'était suffisamment pour permettre à l'os servant de grattoir d'opérer.
    Cet os avait appartenu à la mère de Chagak. Il était fait d'une patte de caribou que son père avait achetée au Peuple Morse. Il l'avait fait tremper dans l'huile pour l'attendrir, puis il avait coupé une extrémité à angle droit et retiré la moelle du centre avant de tailler l'autre extrémité en dents de scie. Chagak n'était qu'une toute petite fille, en ce temps-là, mais elle se souvenait encore à quel point sa mère l'avait apprécié.
    Tenant le grattoir de biais sur le sol, la partie crantée appuyant sur la peau, Chagak l'orienta dans sa direction. Une bande de cuir attachée en haut du grattoir entourait son avant-bras et lui permettait de tenir fermement l'instrument dans sa main.
    La peau provenait d'un phoque poilu que Shuganan avait pris au printemps dernier. C'était un jeune phoque, mais cependant la peau était deux fois plus longue que celle d'un animal ordinaire et Chagak était obligée de travailler en cercle, en commençant par le milieu pour revenir vers le bord, et de tourner à mesure que le travail avançait.
    Quand elle aurait retiré les derniers morceaux de chair, elle devrait passer une pierre ponce pour aplatir les endroits les plus épais afin que le milieu de la peau ne devienne pas raide et inutilisable.
    Le soleil était chaud et le bruit monotone de son travail permettait à Chagak d'oublier la présence d'Homme-Qui-Tue et de se figurer qu'elle était encore sur sa plage et serait bientôt l'épouse de Traqueur de Phoques.
    Elle ferma les yeux et imagina sa mère à ses côtés, lui racontant des histoires de bonnes épouses et la joie d'être mère.
    Ces souvenirs étaient douloureux, mais pour la première fois, ils apportaient un certain apaisement à la douleur qui ne l'avait pas quittée depuis la destruction de son village. La présence de l'esprit de sa mère la réconfortait.
    Le bruit d'un ikyak ne surprit pas Chagak, bien qu'elle sût que Shuganan et Homme-Qui-Tue étaient tous les deux sur la plage. Quand elle vivait avec son peuple, il y avait toujours eu le bruit d'un ikyak, suivi de l'appel d'un homme revenant de la chasse.
    Mais soudain Chagak se rendit compte que celui qui appelait s'exprimait dans la langue rude d'Homme-Qui-Tue et elle regarda en direction de l'océan pour voir un homme sur le point d'accoster. Homme-Qui-Tue riait tandis qu'il pataugeait dans l'eau pour guider son ikyak.
    Puis Shuganan se dressa à côté d'elle, entre Chagak et le nouveau venu.
    — Retourne dans l'ulaq, Chagak, dit-il à voix basse, et reste dans un coin sombre. Prépare de quoi manger mais ne retire pas ton suk.
    Elle se leva, hésita en regardant la peau étendue à ses pieds. Si elle l'abandonnait, elle risquait de durcir au soleil.
    — Laisse-la, chuchota Shuganan.
    Elle se retourna et remonta vers le haut de la plage, Shuganan se hâta à ses côtés.
    Chagak avait déroulé un long tapis d'herbe au centre de la pièce et préparé du poisson, des œufs ainsi que des buccins secs. Ensuite elle s'était réfugiée dans un coin, silencieuse, en attente. Shuganan s'était assis à côté d'elle. En entrant il avait d'abord boitillé jusqu'à une lampe, avant de faire courir ses doigts le long du bol à huile, pinçant plusieurs fois la mèche froide entre ses doigts. Puis il était revenu près de Chagak, ses doigts enduits de suie, et les avait frottés sur ses joues et le long de son nez.
    Chagak l'avait regardé avec surprise,

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