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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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    Elle s'essuya les yeux d'un revers de main et répondit dans un murmure :
    — Non, mais j'ai peur.
    Il ne répondit pas car il se sentait lui-même effrayé. Beaucoup de femmes mouraient en couches, beaucoup, beaucoup de femmes. Et s'il arrivait quelque chose à Chagak ? Que ferait-il ? Il ne pouvait plus vivre sans elle.
    Soudain elle s'accrocha à son bras.
    — Il se passe quelque chose, dit-elle en écar-quillant les yeux.
    Elle se leva et de l'eau se mit à couler entre ses jambes.
    — Qu'est-ce que c'est? Que m'arrive-t-il? demanda-t-elle avec effroi.
    Perplexe, Shuganan dut avouer :
    — Je n'en sais rien.
    — Peut-être n'y a-t-il pas de bébé? suggéra-t-elle. Peut-être n'y a-t-il que de l'eau?
    Et elle se mit à rire, mais Shuganan se leva, saisi de frayeur devant ce rire qui augmentait et devenait hystérique.
    — Non, non, au contraire, l'eau est un bon signe, assura-t-il en la saisissant par les épaules. Tu vois bien, ce n'est que de l'eau comme l'écla-boussure du bateau d'un chasseur contre le rivage.
    Il l'aida à se relever et ensemble ils revinrent près de l'ulaq, Chagak laissant une trace humide sur les rochers. Shuganan passa un bras autour de sa taille pour la soutenir. Elle s'appuya contre lui et quand ils atteignirent l'ulaq elle s'effondra à ses pieds.
    Il se pencha pour l'aider, mais elle l'écarta de la main, remonta ses genoux à l'intérieur de son suk et saisit une poignée d'herbe fraîche qui poussait au pied de l'ulaq. Shuganan se tenait debout et regardait son visage distordu.
    — Ha! ha! ha! ha! cria-t-elle, et les yeux de Shuganan se remplirent de larmes.
    Il avait espéré que cet enfant serait une bénédiction, un garçon à qui il pourrait apprendre à chasser, un garçon qui ramènerait des phoques à Chagak. Mais maintenant il se demandait comment il avait jamais pu penser que cet enfant pourrait être une bénédiction. Chagak avait tant souffert. D'abord en le concevant et maintenant en le mettant au monde.
    — Ha ! haa ! cria encore Chagak, puis elle porta les mains entre ses jambes. Shuganan vit qu'elles étaient pleines de sang.
    — Va-t'en, dit-elle à Shuganan, et la force de sa voix l'encouragea quelque peu. Va-t'en, ne nous maudis pas tous !
    Shuganan recula, partagé entre le désir de rester, souhaitant l'aider mais sachant qu'il ne le pouvait pas. Puis il pensa à la bandoulière qui lui avait servi à porter Pup.
    — Je vais chercher la bandoulière, cria-t-il en se dirigeant vers l'ulaq, mais il ne savait pas si Chagak l'avait entendu.
    L'obscurité de l'ulaq surprit momentanément Shuganan et il fourragea dans un tas de fourrures que Chagak avait préparées pour le bébé. Finalement il trouva la bandoulière de Pup. Il jeta le morceau de cuir sur son bras et retourna auprès de Chagak.
    Quand il la vit, il se rendit compte qu'elle n'était plus dans les douleurs. Elle tenait la tête droite et ses bras reposaient mollement sur ses genoux. Puis il vit quelque chose de rouge près d'elle, et entendit un petit cri étouffé.
    Chagak ouvrit les yeux et dit d'un ton morne :
    — C'est un garçon.

Shuganan se pressa à côté de Chagak. Un beau bébé tout gras reposait dans l'herbe à ses pieds. Chagak arracha quelques longs cheveux de sa tête et s'en servit pour nouer le cordon qui allait du nombril de l'enfant à quelque chose sous son suk. Puis elle se pencha et mordit le cordon pour le couper.
    Mais elle laissa l'enfant étendu dans l'herbe. Il se mit à crier plus fort en agitant les bras et les jambes.
    — Il a froid, dit Shuganan qui voulut passer la bandoulière autour de l'enfant.
    — Il faut le laver d'abord, dit Chagak.
    Voyant qu'elle ne bougeait pas, Shuganan
    demanda :
    — Avec de l'eau ou avec de l'huile ?
    — Apporte de l'eau. Inutile de gaspiller l'huile.
    Mais Shuganan apporta l'eau et l'huile, une peau tannée et plusieurs peaux souples. Il ramassa le bébé et ce contact parut calmer l'enfant. Il trempa un morceau de peau dans l'eau et le serra pour l'assouplir avant de s'en servir pour enlever le sang du corps du bébé. Il l'enduisit ensuite d'huile. L'enfant était bien formé avec de longs bras et un ventre plat.
    Shuganan se débattit de nouveau avec la bandoulière et réussit finalement à passer la plus large sous les petites fesses, la bande de cuir permettait aussi de soutenir la tête de l'enfant avant d'aller s'attacher sur l'épaule de Chagak. Mais quand le bébé fut installé, il se rendit

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