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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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torturait Chagak.
    Lorsqu'elle se fut calmée, elle répéta :
    — Un garçon.
    — Tu voulais une fille.
    — Oui, dit Chagak.
    Que lui avait dit sa mère? Une fille porte l'esprit de sa mère, un garçon celui de son père. Chagak n'avait pas de mari pour l'obliger à tuer une petite fille s'il le voulait, mais si elle avait un garçon, comment pourrait-elle le garder? Comment garder un enfant qui grandirait en apprenant à haïr et à tuer comme son père ? Et cependant elle redoutait la pensée de tuer le bébé.
    — Shuganan s'en chargera pour toi, dit la loutre.
    — Tu te trompes peut-être. Il est possible que je porte une fille, dit Chagak avec une soudaine colère contre la loutre comme si c'était elle qui avait choisi si ce serait un garçon ou une fille.
    Une autre douleur l'obligea à baisser la tête entre ses bras.
    — Marche, dit la loutre. Il faut marcher. L'enfant viendra plus facilement ensuite.
    — Il faut d'abord que j'avertisse Shuganan et que je prépare de quoi manger, dit Chagak.
    Elle retourna à l'ulaq et descendit lentement à l'intérieur. Elle aurait souhaité se rappeler davantage le processus de l'enfantement. Elle venait d'être formée à la naissance de Pup et elle n'avait pas eu la permission d'aider sa mère pour l'accouchement. Elle était restée en haut de l'ulaq et avait posé toutes sortes de questions aux femmes qui entraient et sortaient. Sa mère était une femme forte et, à la fin du travail, elle n'avait pas crié, mais Chagak avait entendu d'autres femmes en couches gémir et parfois hurler de douleur. Ce souvenir la faisait frissonner et elle essaya de penser à autre chose et de se concentrer sur la préparation du déjeuner de poisson et de viande sèche. Elle essaya même d'entretenir une autre conversation avec l'esprit de la loutre, mais cette fois elle n'obtint pas de réponse. Tout en poursuivant ses tâches ménagères, elle eut soudain conscience que ses mains tremblaient et l'absence de sa mère pesa brusquement sur elle et, comme une enfant, elle se mit à pleurer à gros sanglots qu'elle ne pouvait contenir.
    — Chagak? dit Shuganan en se levant de sa couche. Que se passe-t-il ?
    Avec un grand effort, elle retint ses larmes et essaya de sourire, mais un esprit semblait faire grimacer son visage.
    — Je vais bien, dit-elle d'une toute petite voix. Puis elle ajouta avec plus de force : Je vais bien. Le travail a commencé.
    — Parfait, dit-il, mais elle vit l'inquiétude de ses yeux. J'espère que tu auras un garçon, je lui apprendrai à chasser.
    Chagak essaya encore de sourire, mais l'idée d'avoir un fils ne lui apportait aucune joie. Elle étendit un tapis et y posa de la viande et du poisson.
    Shuganan mangea en n'utilisant que sa main droite. Son bras gauche était encore faible. Il avait paru bien se cicatriser mais l'os cassé avait attiré l'esprit qui raidit les jointures et à la fois le coude et l'épaule restaient si enflés qu'il pouvait difficilement bouger le bras.
    Quand il eut fini de manger, Chagak mit de côté ce qui restait.
    — Il faut manger, toi aussi, lui dit-il.
    — Non, répondit-elle, je n'ai pas faim. Il vaut mieux que j'aille dehors. Il fait trop chaud et trop obscur ici.
    Shuganan surveilla Chagak durant cette longue journée. Elle arpenta la plage, petite silhouette sombre, les mains croisées sous son suk, supportant son gros ventre. Quand le soleil attei-gnit le point nord-ouest de l'horizon, les nuages devinrent plus noirs, plus lourds. Chagak marcha plus lentement et Shuganan descendit du toit de l'ulaq. Il allait la ramener maintenant. Il voyait à la raideur de ses pas que les douleurs étaient plus fréquentes.
    Elle aurait besoin d'une femme pour l'aider, pensa-t-il, et, depuis la mort de son épouse, jamais sa sagesse ne lui avait autant manqué.
    Quand il s'approcha d'elle, Shuganan vit que la jeune femme marchait les yeux fermés en respirant vite, gonflant et dégonflant ses joues comme un enfant soufflant dans une vessie de phoque.
    Elle s'arrêta en prenant conscience de sa présence et s'accroupit sur les talons.
    — Reviens dans l'ulaq, lui dit-il.
    — Je souffre trop, répondit-elle, j'ai besoin de rester au grand air et d'être près de la mer.
    Shuganan hocha la tête et s'assit près d'elle.
    Ils restèrent silencieux un moment, puis Shuganan remarqua que les joues de Chagak étaient baignées de larmes.
    — Pourquoi pleures-tu? demanda-t-il, la douleur est-elle si forte

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