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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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des filles, offertes au vent. Le quatrième, un garçon, avait été emporté par la grosse vague qui avait détruit le village un mois seulement après sa naissance. Nez Crochu ne l'avait pas nourri assez longtemps pour avoir du lait pour Amgigh.
    Coquille Bleue donnait au bébé le peu de lait que contenaient ses seins et Nez Crochu lui faisait absorber du bouillon. Mais l'enfant devenait de plus en plus frêle, ses cris s'affaiblissaient chaque jour.
    Aussi allait-il mourir. « Dans ce cas, il n'y aurait personne pour le conduire dans le monde des esprits, pensa Kayugh. J'aurais dû le laisser avec sa mère. Quelle chance lui reste-t-il ? »
    Mais Blanche Rivière avait voulu que son fils ait un nom afin de le rendre plus fort, indépendant de sa mère. Telle était la coutume dans sa famille.
    Qu'avait dit le père de Blanche Rivière à Kayugh? C'était parce qu'on donnait son nom à un enfant dès sa naissance qu'il y avait tant de bons chasseurs dans la famille. Et qui pouvait le nier? Quel chasseur avait rapporté plus de viande et de fourrure qu'aucun des frères et des oncles de Blanche Rivière?
    Soudain la colère que Kayugh avait nourrie envers lui-même se tourna contre sa femme. Il l'avait toujours bien traitée, il lui avait apporté des présents et l'avait louée devant les autres hommes. Pourquoi avait-elle choisi de mourir?
    La colère de Kayugh grandit jusqu'à lui faire oublier tout ce qu'il avait appris sur la chasse et les voyages en mer, il lança sa pagaie en l'air et hurla sa frustration. Il n'accorda aucune attention aux animaux qu'il effrayait, aux phoques qui l'entendraient.
    Il cria jusqu'à ce que sa gorge le brûlât et que dans l'obscurité de ses yeux fermés il distinguât le visage de son fils. Et il pensa : « Non, Amgigh n'aura pas à partir seul, je l'accompagnerai ! »
    Qui osait prétendre qu'il fallait une mère pour guider ses enfants dans le monde des esprits? Nez Crochu s'occuperait de Baie Rouge et il n'avait plus personne qui ait besoin de lui.
    Mais, pensa-t-il soudain, un chasseur devait-il tout abandonner pour un enfant qui aurait pu mourir même si sa mère avait vécu? Valait-il mieux mourir pour son fils ou vivre pour son peuple ?
    Peut-être choisissait-il la mort pour fuir la vie, pour se soustraire au chagrin de la perte de deux femmes, puis d'un fils, ou peut-être s'il choisissait de vivre était-ce parce qu'il avait peur de la mort ? Qui pouvait le dire ?
    Kayugh se détourna de ses pensées et scruta la mer avant de diriger son ikyak vers le sud, où il apercevait la ligne sombre d'une terre. Depuis des jours ils étaient passés devant des plages étroites et de hautes falaises, des endroits ouverts à la mer et n'offrant ni abri ni protection contre le vent, mais voici qu'en s'approchant des falaises, Kayugh découvrait une baie prometteuse. Il pagaya plus vite, dépassa les falaises et s'approcha d'une plage qui montait doucement vers une colline verdoyante. La plage était assez vaste pour offrir des flaques d'eau laissées par la marée, des masses sombres de varech s'étendaient au pied des falaises.
    Kayugh regarda le soleil. Il était près de se coucher. Loin derrière lui, les autres allaient installer un camp sur une autre petite plage.
    Kayugh fit tourner son ikyak et repartit. Demain il reviendrait. Il les conduirait vers cette plage où ils pourraient construire un village au-dessus des collines, à l'abri des vagues qui pourraient surgir.
    « Et je vivrai encore un jour, se dit Kayugh, il faut d'abord que je conduise mon peuple ici. Alors je déciderai ce qu'il convient de faire pour moi et mon fils. Qui sait, Coquille Bleue aura peut-être son bébé et mon fils pourra vivre. »
    28
    Chagak se réveilla tôt. Son fils pressa ses lèvres contre son sein et elle sentit la montée de lait.
    Aujourd'hui, ils allaient donner son nom à son fils. Ils feraient une petite cérémonie, elle et Shuganan; et le lendemain ils se prépareraient au long voyage vers les Chasseurs de Baleines.
    Chagak craignait que son grand-père ne se souvînt pas d'elle. Depuis combien d'années Nombreuses Baleines était-il venu rendre visite au village des Premiers Hommes? Trois ans? Quatre ans? Et même alors sa mère avait été prompte à l'écarter du chemin de son grand-père, l'envoyant avec sa sœur chercher de l'eau potable, cueillir des racines ou ramasser des oursins.
    Et même s'il se souvenait d'elle, lui et les hommes de sa tribu ne croiraient peut-être

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