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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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chaque homme que nous avions tué au cours de nos raids. Et ainsi, tandis que le shaman me regardait travailler, il commença à me faire confiance. Il m'accorda plus de liberté dans le camp, un jour il me laissa même aller chasser avec les autres. Mais ce qu'il ignorait c'est que la nuit, quand tout le monde dormait, je continuais à graver.
    « Je creusai un trou au centre de la sculpture pour y cacher une lame d'obsidienne que l'on m'avait donnée en échange d'une sculpture. Je fis un petit couvercle en ivoire pour cacher le trou et je ne laissai jamais le shaman toucher ce fanon. Quand j'eus terminé, je lui dis que j'allais organiser une cérémonie pour lui faire cette offrande.
    « Il fit ce que je lui demandai et vint au bord de l'eau, tôt le matin, quand personne n'était encore éveillé à l'exception de quelques femmes.
    « J'avais demandé au shaman d'apporter ses armes avec lui : harpons, lances, bolas. Quand il commença à chanter, je plaçai le fanon gravé dans sa main et lui dis de fermer les yeux. Puis je fis sortir l'obsidienne et la lui plongeai dans le cœur. Il ne poussa même pas un cri. Il ouvrit seulement les yeux et mourut.
    « Je volai ses armes et un ikyak et m'enfuis. Je voyageai pendant de nombreux jours jusqu'à ce que je trouve cette plage où je construisis un ulaq et vécus seul. Je chassai des phoques et des lions de mer et appris à faire mes propres vêtements. »
    Shuganan se frotta le front avec ses mains et toussa pour s'éclaircir la gorge.
    — Je fis du commerce avec les Chasseurs de Baleines et, après trois ans de solitude, je pris une femme. Nous avons été heureux.
    Chagak leva les yeux sur lui.
    — Ainsi vous avez vécu ici tous les deux seuls, dit-elle, tu chassais et tu faisais des sculptures.
    — Non, pendant longtemps je n'ai plus sculpté, dit Shuganan. Cela me semblait mal, presque impie. Mais il y avait quelque chose en moi qui paraissait pleurer, comme si j'étais en deuil et souvent le matin en me réveillant mes mains étaient raides et douloureuses.
    « Puis ma femme fit un rêve. Une femme qu'elle ne connaissait pas lui parla et lui dit que je devais sculpter et que mon travail pouvait être bienfaisant. Une joie pour les yeux et une aide pour l'esprit. Je crois que cette femme était ma mère et je pense que son esprit est venu nous rendre visite pendant qu'elle entreprenait son voyage vers les Lumières Dansantes.
    « Je pleurai sa mort, mais je me remis à sculpter et le vide que je ressentais depuis tant d'années fut remplacé par un sentiment de paix. Je compris alors que mes sculptures étaient une bonne chose. »
    Shuganan s'arrêta de parler et s'approcha de Chagak.
    — Maintenant tu sais que je faisais partie de la tribu d'Homme-Qui-Tue. Est-ce que tu me hais ?
    Pendant un long moment la jeune femme ne dit rien, mais elle ne détourna pas les yeux de son visage. Shuganan eut l'impression que son cœur s'arrêtait dans l'attente de sa réponse. Finalement elle répondit :
    — Non, je ne te hais point. Tu es un grand-père pour moi.
    — Et tu pourrais aimer un grand-père et pas un fils? demanda Shuganan.
    Chagak se mit à se balancer en croisant les bras sur l'enfant à l'intérieur de son suk et sentit sa chaleur. Le désespoir qui l'avait envahie depuis qu'elle était enceinte parut disparaître et à sa place naquit une joie, forte, dure, envahissante.
    — Il vivra, murmura-t-elle.
    27
    Kayugh enfonça la pagaie dans la mer et dirigea son ikyak entre les vagues. Incapable de supporter les cris de son fils, il avait pagayé avec ardeur et avait bientôt distancé l'ik des femmes et même les ikyan des autres hommes.
    Six jours s'étaient écoulés et ils n'avaient pas encore trouvé la baie promise et la bonne plage. Ses prédictions ne s'étant pas réalisées, Petit Canard ne levait plus les yeux en sa présence et ne se tenait pas avec les femmes pour les repas.
    La confusion de jours ne signifiait pas grand-chose. Ce n'était pas l'erreur de Petit Canard qui torturait le cœur de Kayugh.
    Toutes les nuits les femmes se passaient son fils de l'une à l'autre. Chacune essayait de tirer du lait de ses seins. Les femmes qui avaient eu de nombreux enfants et les avaient allaités long-temps savaient que le lait revenait facilement. Dans le village de Kayugh on voyait sans surprise une grand-mère allaiter son petit-fils. Mais Petit Canard n'avait jamais eu d'enfant et, parmi les quatre enfants de Nez Crochu, trois avaient été

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