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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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réveillant, son estomac se serrait jusqu'à ce qu'il ait vu que la carcasse de la baleine était toujours là et que les vagues ne l'avaient pas enlevée. Et chaque nuit il se réjouissait. Il y avait davantage de viande en réserve, davantage d'huile enlevée.
    La baleine était toujours là, réduite à son squelette, aux os et au sang.
    Shuganan redressa les épaules et appela Chagak. La nuit précédente, ils avaient recouvert les deux feux car ils avaient davantage besoin de sommeil que d'huile.
    Aujourd'hui Chagak trierait les os, faisant bouillir les plus gros pour en tirer de l'huile et gardant les plus petits pour assaisonner les ragoûts.
    Chagak sortit de l'ulaq, son suk gonflé par le bébé qu'elle tenait contre elle.
    — La baleine est-elle toujours là? demanda-t-elle en se tournant pour regarder.
    — Oui.
    Elle n'ajouta rien mais se pencha pour serrer le bras de Shuganan et sauter de l'ulaq pour aller sur la plage.
    Shuganan la regarda attiser les braises, ajouter de l'herbe sèche et du bois mort; bientôt les flammes se mirent à brûler. Mais il gardait surtout les yeux fixés sur la mer, dans l'attente du retour de Kayugh ramenant les siens avec lui.
    Kayugh enfonça sa pagaie dans l'eau et son ikyak devança celui d'Oiseau Gris. Il étudia la falaise sur la droite. Oui, c'était bien la haute falaise à l'est de la plage de Shuganan.
    — C'est là, cria-t-il en agitant sa pagaie au-dessus de sa tête, puis il fit tourner son ikyak dans la baie.
    Il vit Shuganan se presser sur la plage et il vit la carcasse de la baleine, réduite aux seuls os. Entre l'arc des côtes, des mouettes piaillaient et se battaient pour des restants de viande.
    Kayugh manœuvra pour glisser son ikyak entre les rochers qui parsemaient le rivage et, en approchant de la plage, il détacha le rabat qui le recouvrait, sauta dans l'eau jaunâtre et tira son ikyak à terre.
    Shuganan l'attendait et le salua avec les paumes de ses mains levées. Puis Longues Dents se présenta. Lui aussi salua Shuganan et tous deux aidèrent Oiseau Gris ainsi que les femmes et les enfants à descendre de leur ik.
    Chagak se tenait près des feux et Kayugh souhaita pouvoir prendre son fils des bras de Coquille Bleue pour le lui porter et lui demander de le nourrir. Chaque jour, en voyant le bébé plus près de la mort, Kayugh sentait ses forces l'abandonner comme si les déficiences de l'enfant le transformaient lui-même en vieil homme.
    « Tout cela à cause de mon égoïsme », pensa-t-il en regardant Chagak travailler. Mais quand il avait décidé de conserver l'enfant, c'était parce qu'il avait jugé insupportable d'ajouter ce chagrin à la mort de deux épouses et de tous ceux qui avaient péri et appartenaient à son peuple. Sa douleur était encore si intense qu'il se demandait parfois si quelque chose à l'intérieur de lui n'était pas brisé et saignait, rendant ainsi ses bras et ses jambes si lourds, forçant son estomac à refuser toute nourriture.
    Mais avec cette longue attente, l'espoir devenait pire et sa peine était encore augmentée par un esprit qui lui soufflait : « Il va mieux. Ne vois-tu pas qu'il est un peu moins maigre? Ne vois-tu pas qu'il ouvre davantage les yeux et que ses cris sont plus forts? » Aussi Kayugh ne pouvait se fier à son propre jugement et ne comprenait la vérité qu'en lisant le chagrin dans les yeux de Nez Crochu et la peur dans ceux de Coquille Bleue.
    Plongé dans ses pensées, Kayugh ne vit pas Oiseau Gris se dresser près de lui et sursauta quand il lui susurra :
    — Tu ne nous avais pas dit qu'elle était belle.
    — Cela aurait-il rendu ta décision de venir plus facile? demanda Kayugh.
    — Je croyais que tu n'étais venu ici que pour sauver ton fils.
    — J'ai décidé de venir ici parce que c'est une bonne plage.
    — Alors, tu ne te soucies pas si je décide de prendre une seconde femme? demanda Oiseau Gris.
    La colère envahit Kayugh et il serra les poings.
    — Qui chassera pour la nourrir? demanda-t-il sur un ton méprisant qui blessa Oiseau Gris comme un coup de couteau.
    Mais avant qu'Oiseau Gris ait eu le temps de répondre, Shuganan se trouva soudain entre eux.
    Le vieil homme avait redressé les épaules et ses yeux étaient brillants comme des charbons ardents :
    — Je vous offre l'hospitalité de mon ulaq et de ma plage et vous vous battez déjà pour ma petite-fille.
    — Elle a besoin d'un mari, dit Oiseau Gris.
    — C'est moi qui déciderai si elle a besoin

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