Ma soeur la lune
Samig attendit.
Chagak baissa la tête et demanda d'une voix posée :
— Si je te parle d'elle, seras-tu fâché ?
— Non.
— Elle rit aux plaisanteries de Nez Crochu, mais elle part toujours avant que nous n'entamions les tâches pénibles. Elle sourit et prend son sac à cueil-lette comme si elle n'avait rien à faire qu'à marcher sur la plage. Coquille Bleue affirme qu'elle est toujours après Waxtal, qu'elle agite son tablier...
— Je ne l'ai pas choisie, interrompit Samig. Je ne la voulais pas.
— Tu crois que Trois Poissons ne le comprend pas ? Elle ne peut pas retourner à son propre peuple, et elle a l'impression qu'elle n'a pas sa place ici. Pourquoi travaillerait-elle pour nous? Pourquoi ferait-elle autre chose que ce qui lui plaît?
Chagak sourit à Samig et posa la main sur son épaule.
— En bien des façons, il est très difficile d'être épouse, dit-elle avec douceur. Presque aussi difficile que d'être chasseur.
Alors que la fin du jour approchait, le tremblement cessa. Les vagues roulèrent plus lisses sur la plage, sans tressautements, sans éclaboussures. Kayugh a raison, songea Samig. Je me prétends homme, mais à plus d'un titre je suis encore un garçon. Je laisse la peur guider mes pensées. Kayugh m'affirme que nous sommes assez loin d'Aka. Il a raison.
Samig prit sa place près du feu à l'entrée de la grotte. Longues Dents racontait une histoire, que Samig avait déjà entendue auparavant, mais Oiseau Gris — Waxtal, désormais, avait expliqué Amgigh — l'interrompit :
— Ils mangeaient des baies de mousse, rectifia-t-il.
— Soit, des baies de mousse, concéda Longues Dents. Les deux chasseurs mangeaient donc des baies de mousse quand les hommes bleus vinrent à eux.
— Il y avait trois chasseurs, précisa Oiseau Gris.
— Trois, d'accord, concéda de nouveau Longues Dents. Oiseau Gris, tu ferais mieux de raconter. Tu l'as déjà fait. D'ailleurs, je suis fatigué.
— Waxtal, protesta Oiseau Gris. Je suis Waxtal. Oui, je vais raconter.
Alors, Oiseau Gris commença. Mais, bientôt, Longues Dents se leva en bâillant et quitta le cercle. Puis ce fut le tour de Kayugh et de Premier Flocon. Samig essaya de suivre le récit, mais Oiseau Gris s'embrouillait, relatant d'abord une partie de l'histoire, l'interrompant pour raconter une autre partie, puis revenant au début, jusqu'à perdre le fil. Samig se sentait comme un enfant qui aurait passé la journée à suivre le chemin étrange et tortueux d'un macareux. Alors il s'éloigna, suivi de Petit Couteau. Ne restaient plus autour du feu qu'Oiseau Gris et Amgigh, têtes appuyées l'une contre l'autre, Oiseau Gris murmurait, Amgigh hochait la tête.
Samig redressa les épaules et s'approcha de Trois Poissons. Les autres femmes œuvraient à des parkas ou à des paniers, mais Trois Poissons paressait, ses mains étaient inactives sur ses genoux.
Samig se pencha sur elle et murmura :
— Accompagne-moi dans mon lit.
Saisie, Trois Poissons bondit sur ses pieds. Elle passa ses doigts dans ses cheveux et redressa son tablier. Comme une femme Premiers Hommes, elle le laissa entrer d'abord puis, refermant les rideaux d'herbe tissée, elle tomba à genoux pour lisser la robe de nuit.
Samig s'assit à côté d'elle et caressa ses épaules « larges et fortes. Quand il glissa une main sous son tablier, elle émit un petit rire et ouvrit les jambes. Alors Samig s'allongea près d'elle, songeant un moment à Kiin, à l'esprit de Kiin qui observait Trois Poissons agripper ses fesses et l'attirer plus près encore.
— Attends, murmura-t-il dans le noir, s'écartant et saisissant ses mains pour la contrôler. Je dois d'abord te parler.
Trois Poissons rit encore et tenta de se libérer.
— Trois Poissons, tu es mon épouse. Tu es une femme forte et bonne et j'attends avec orgueil le jour où tu me donneras un fils. Mais je veux que tu fasses partie de mon peuple, car alors tu seras mon épouse en tous points.
Les mains de Trois Poissons étaient glissantes d'huile de phoque et de sueur, et Samig craignit qu'elle ne s'éloigne avant qu'il n'ait fini.
— Trois Poissons, écoute, reprit-il, dans l'espoir que son murmure dominerait le rire de son épouse. Je veux que tu deviennes une des Premiers Hommes comme je suis devenu un des Chasseurs de Baleines. Tu dois apprendre les façons de mon peuple.
Trois Poissons partit d'un grand rire.
— Je les connais! Mais Nombreuses Baleines disait que les nôtres
Weitere Kostenlose Bücher