Ma soeur la lune
poissons qu'avec un bateau.
« Il y aura des baies de camarine à manger et de la bruyère de camarine à brûler, murmura son esprit. Tu n'as pas besoin d'ik pour ramasser des chitons. Tu trouveras des oursins et des clams. Il y a de l'ugyuun et du varech. Tu as repéré des fleurs de canneberge... Et qui sait, un lion de mer peut venir; cela leur arrive. »
Ces mots de réconfort coulaient comme un chant et transformèrent les pensées de Kiin en rêves. Des rêves de phoques et de lions de mer, de nourriture suffisante pour elle et pour ses fils...
Puis la voix geignarde de Qakan revint, réveillant de nouveau Kiin. La voix de Qakan, la voix de Qakan.
Kiin réveilla ses fils, apaisant leurs petits pleurs d'une berceuse. Elle les mit dans leur bandoulière et les laissa téter. Puis elle quitta son abri, emportant un œuf d'oiseau qui restait de sa cueillette de la veille.
Elle se rendit au monticule où était enterré Qakan et se tint à légère distance de la pile de pierres. Elle prêta l'oreille mais n'entendit rien. Le vent surgit, cinglant, de la plage. Et elle entendit la plainte de Qakan.
— Qakan! dit Kiin. Tu t'es conduit toi-même en ce lieu. Toi et ton avidité. Je ne peux rien pour toi.
Elle jeta l'œuf sur les pierres de la tombe de son frère, le vit dans le clair de lune atterrir et se briser pour s epandre à l'intérieur de la tombe.
— Voilà, dit-elle. Mange et tiens-toi tranquille.
63
Au cours du voyage, hommes dans les ikyan, femmes dans les iks, Samig perdit le compte des jours. Suffisamment pour voir la lune passer de pleine à pleine et davantage encore. Assez longtemps pour épuiser presque toute leur nourriture. Après quatre jours, peut-être cinq, ils ne sentaient que les secousses les plus violentes d'Aka, mais même alors, les vagues obéissaient à une force autre que les vents ou les marées.
La cendre se réduisait désormais à une fine brume, une poussière qui colorait le ciel de roses et de bruns et, la nuit, semblait se poser autour de la lune en un halo vibrant.
La terre était maintenant inconnue de tous sauf d'Oiseau Gris. L'herbe était entremêlée de saules plus costauds et plus grands que les touffes qui croissaient près des courants de l'île de Tugix. Oiseau Gris indiquait les plages où il avait commercé avec diverses peuplades. À deux reprises, ils s'étaient arrêtés pour demeurer dans des villages Premiers Hommes, mais chaque fois, Samig avait perçu un malaise chez les habitants. De nouveaux chasseurs — cela signifierait-il de nouveaux chefs pour le village, des femmes qui s'attendaient à recevoir une part de la nourriture déjà rangée pour l'hiver? Alors, ils restaient assez longtemps pour attraper du poisson, pour expliquer aux villageois pourquoi la mer agissait étrangement, pour leur parler des esprits puissants qui commandaient à la montagne Aka. Puis ils poursuivaient leur route.
Une nuit, leurs petits abris de peaux dressés derrière des collines surplombant une plage rocheuse, le vent soufflant d'abord de la mer puis des montagnes vers le centre de l'île avec une froide violence, ils s'assirent côte à côte, leurs corps protégeant les trois petites lampes à huile qui brûlaient au milieu.
Baie Rouge avec son fils et Chagak avec Mésange étaient installées à l'endroit le plus abrité au centre du cercle. Oiseau Gris, le visage pincé et maussade, les joues râpeuses après des jours de vent et d'embruns, se mit à parler d'une plage où les Chasseurs de Morses et parfois même le Peuple des Caribous venaient troquer avec les Premiers Hommes.
Samig se pencha pour entendre Oiseau Gris malgré le sifflement du vent. Samig sourit, se moquant de lui-même pour l'intérêt qu'il montrait aux paroles d'Oiseau Gris; son sourire fit craqueler la peau de ses lèvres, amenant dans sa bouche le goût sucré de son sang. Combien de fois avait-il voulu écouter ce qu'Oiseau Gris aurait à dire? Combien de fois l'homme formulait-il autre chose que des fanfaronnades ou des récriminations ? Et pourtant, il s'exprimait maintenant avec une assurance qui attira l'attention de Samig. Celui-ci capta le regard de son père et fit un signe vers Oiseau Gris afin que Kayugh l'écoute, lui aussi.
— C'est une bonne plage, disait Oiseau Gris. Un lieu ouvert à tous, où les femmes viennent ramasser des œufs au printemps. Mais personne n'y vit.
— Quand y as-tu séjourné pour la dernière fois ? s'enquit Longues Dents.
Samig remarqua
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