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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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antiques – notamment quelques très gros camées – que Saint-André vint à résipiscence : il était bel et bien reçu, clama-t-il, dans le palais d’Alcine {26} .
    Le soir même, il soupait en tête à tête avec son hôtesse, de part et d’autre d’une table couverte de joyaux d’orfèvrerie, quand la conversation roula sur les peines financières du moment, et sur la difficulté, pour les grands seigneurs qu’ils se flattaient d’être, de tenir convenablement leur rang.
    — Tout est devenu fort cher, se plaignait Saint-André, et je confesse bien volontiers que l’avenir se découvre à mes yeux sous un jour sombre.
    — Et encore, soupira la duchesse, vous n’avez pas, dans votre famille, de prisonniers à racheter ! Pour moi, il me faut réunir la rançon de mes deux gendres {27} . Le cas du duc de Bouillon, surtout, exige une invraisemblable fortune. Hélas, comment trouver les fonds nécessaires ?
    La duchesse repoussa une coupe émaillée de la plus riche facture. Pour plaisanter, le maréchal lui souffla des moyens inattendus.
    — Je ne vois guère que le vol, le meurtre ou pis : le mariage !
    Diane, selon son habitude, s’épargna la peine de rire.
    — Ce qu’il faudrait, rebondit-elle, c’est que les tribunaux nous condamnent une nouvelle fournée d’hérétiques. Cela ferait du bien à répartir...
    — Nous n’aurions qu’à tirer au sort...
    — Je ne plaisante pas ! protesta Diane.
    — Mais moi non plus, ma chère. Moi non plus...
    Là-dessus, l’un et l’autre étaient on ne peut plus sérieux.

 
    Noyon.
    Traversant l’Oise par le pont épiscopal, soumis à péage, Gautier de Coisay se retint d’entrer dans Noyon par le Midi. Il lança plutôt son cheval sur le chemin qui contournait la cité à main droite, afin de profiter d’une butte d’où il pourrait l’envisager tout entière, et d’un peu haut. Désolant spectacle, en vérité, trop conforme à ce qu’il avait ouï dire : deux ans plus tôt, les Hongrois de Charles Quint avaient ravagé la cité picarde, ne laissant derrière eux qu’un tas fumant de bâtisses en partie ruinées. Gautier se rappela ce que lui avait dit Calvin lui-même : « La maison de mon père demeure seule debout dans la ville réduite en cendres... »
    Jean Calvin ! De tous les grands hommes qu’un destin pour le moins singulier lui avait donné de rencontrer, il était sans conteste le plus marquant. Le charisme du pasteur, la puissance de sa pensée, l’importance du combat qu’il avait épousé, emplissaient Gautier d’admiration. Il lui paraissait inouï que son propre manoir de famille ait été si proche de Noyon, la cité natale du réformateur genevois.
    Le cheval piaffait. Gautier redescendit vers la ville, l’esprit peuplé d’émotions et d’images encore fraîches. Il rentrait tout juste de son quatrième voyage à Genève ; et celui-ci lui avait paru, en rencontres, en échanges, plus riche encore que les précédents. Non seulement Calvin lui avait fait bon accueil, le distinguant enfin de Godefroy du Barry dont il se méfiait, mais au-delà, Gautier avait pu lier connaissance avec quelques figures étonnantes, notamment un autre Picard, comme Calvin originaire de Noyon dont il avait, jadis, été maire et lieutenant du roi. Laurent de Normandie était un de ces hobereaux pétris de lettres et d’humanité ; son père avait croisé, au début du siècle, le père de Gautier ; lui aussi avait perdu sa femme ; lui aussi se sentait un peu égaré...
    Le gentilhomme passa la Porte et gagna la place du marché. C’est là qu’en septembre 1552 – juste avant l’incursion des Hongrois – l’on avait fait brûler neuf mannequins représentant des notables du cru – dont Normandie – condamnés pour hérésie. L’exécution n’avait pu se faire qu’en « effigie », car tous, déjà, s’étaient réfugiés à Genève... Gautier était bien placé pour le savoir : il avait lui-même accompagné là-bas quatre d’entre eux !
    Il entra dans un estaminet où l’on servait, sur des tonneaux, toutes sortes de jambons et de salaisons. Malgré la pénombre qui régnait là, Gautier ne fut pas long à repérer, parmi les chalands, un petit homme sec à la barbe pointue dont il aurait pu jurer qu’il l’avait croisé plusieurs fois, à Compiègne, à Saint-Pierre, à Coisay, depuis son retour de Genève... Quelqu’un l’aurait-il fait suivre ? Et dans quel but ? Gautier se dit que, son

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