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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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repas terminé, il quitterait les lieux par les derrières, le plus discrètement possible, et tâcherait de pister cet espion.
    En attendant, il lia conversation avec le patron, un gros homme chauve, imberbe. Après quelques banalités, il jeta un regard circulaire pour s’assurer que l’homme à barbiche était à distance respectueuse puis, affectant un air détaché, expliqua qu’il avait connu, en son jeune temps, la famille de Normandie, et qu’il aurait aimé savoir s’il en restait quelque chose.
    Le tavernier fronça les sourcils et se baissa pour ne répondre qu’à mi-voix.
    — Ces gens-là ne sont plus à Noyon, dit-il. Et si je puis vous donner un conseil, c’est de ne pas chercher à les retrouver.
    — Et pourquoi cela ?
    — Pourquoi ?
    Le gros homme étouffa un rire malsain, puis il dévisagea Gautier et tourna le dos sans un mot de plus. L’enquêteur en était pour ses frais. Il avait promis, pourtant, à Laurent de Normandie de recueillir des nouvelles de sa maison et de ses terres... Gautier avala un dernier copeau de jambon, but une ultime rasade de bière et sortit de sa bourse quelques pièces de bronze et de cuivre. Il se levait pour sortir lorsque, par une fenêtre entrouverte, il aperçut ce qui pouvait ressembler à un archer. Au même moment, deux hommes en armes se postaient au seuil de l’estaminet.
    Le réflexe de Gautier fut de jeter un oeil en direction de l’homme à barbiche : il avait disparu ! Les soupçons du gentilhomme se précisèrent. Sans perdre un instant, il se dirigea vers le fond de la salle, espérant y trouver une issue vers l’arrière-cour. Alors surgit un quatrième archer qui s’immobilisa dans le chambranle. Le coeur de Gautier se mit à cogner.
    — Monsieur de Coisay ?
    Une voix ferme, dans son dos : celle d’un exempt de la prévôté {28} .
    — Voulez-vous me remettre vos armes, s’il vous plaît. Après quoi vous me suivrez sans résister.
    Les archers entrèrent. S’il avait mieux connu la taverne, Gautier aurait peut-être pu tenter de fuir, mais les seules issues visibles en étaient gardées... Le sang battait à ses tempes.
    — Puis-je seulement savoir...
    — Je vous en prie, monsieur de Coisay. Exécutez-vous !
    Il soupira, sortit son épée de son fourreau, sa dague de sa ceinture, son pistolet de son manteau, et les remit à l’exempt.
    — Êtes-vous porteur de courrier ?
    Gautier marqua un instant d’hésitation, puis il sortit de ses poches plusieurs lettres signées de Calvin, de Normandie, de quelques autres... Il venait de signer sa perte, et le devinait.
    Le silence s’était fait dans l’estaminet et c’est sous les regards pétrifiés de la clientèle que Gautier sortit, entre deux archers.
    Le cachot {29} dans lequel on l’avait jeté n’était qu’ombre et moisissure. On devinait, à certains bruits, à des frôlements immondes, la vermine qui pouvait grouiller là. Pendant deux jours et deux nuits, personne ne s’y était aventuré ; le prisonnier était donc resté sans manger et sans boire ! Gautier, enchaîné à la muraille, avait enduré bravement cette première épreuve, mais il n’était plus un homme jeune et sa résistance, jadis proverbiale, trouverait bientôt ses limites.
    Le troisième soir, la lourde porte s’était ouverte. Le geôlier, vêtu grossièrement, s’était approché de Coisay. Il l’avait éclairé de sa torche, l’avait scruté sans un mot, et fait nourrir... Quelques jours plus tard, il avait conduit l’inculpé devant des magistrats civils, assistés d’un prêtre. Ils l’avaient questionné longuement sur son père et sur sa foi, avaient voulu éclaircir ses relations passées avec les souverains de Navarre et la duchesse d’Étampes, s’étaient penchés de près sur ses trajets jusqu’à Genève, sur les personnes qu’il y avait conduites et rencontrées...
    Les lettres saisies sur l’inculpé paraissaient les passionner plus que le reste, et Gautier finit par en conclure que, dans son cas, les considérations théologiques les intéressaient moins que la dimension politique de l’affaire. En somme, plus qu’un hérétique, ils lui donnèrent le sentiment de vouloir punir un sujet désobéissant et trop libre.
    Il avait répondu à tout sobrement, mais refusé, une fois pour toutes, de prononcer aucun nom. Alors on l’avait reconduit au cachot.
    Depuis lors, il se languissait dans le noir et l’humidité. Après une semaine de ce régime, il

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