Madame Catherine
flammes du bûcher furent jugées insuffisantes, alors on attendit.
Françoise avait cru qu’elle s’évanouirait, mais la vue de son père mourant, de son père mort, oscillant au bout de cette corde, ne lui fit pas perdre conscience. Et c’est elle, au contraire, qui dut soutenir son oncle, soudain ravagé d’un chagrin tel, qu’il lui sembla près de perdre la raison.
Quand le feu crépita vraiment dans les bûches, on redescendit le pendu. On le laissa flamber et se consumer lentement. Alors le public applaudit : l’Église triomphait de l’hérésie ; le roi avait puni la déviance.
Camp de Renty, en Artois.
La guerre entre Henri II et Charles Quint se perpétuait le long de la frontière des Pays-Bas, soutenue chichement par des trésors exsangues. Les deux armées, mal nourries, mal pourvues, se poussaient vers la mer sans oser se confronter vraiment, pillant et ravageant leurs prises au lieu de les consolider. Les Impériaux, tenant Cambrai, cantonnaient à Lilliers. Les Français, les devançant à travers l’Artois, avaient résolu d’assiéger le fortin de Renty.
— Nous prendrons cette place à la barbe de Charles – que dis-je : sous son nez ! avait fanfaronné le duc de Guise.
De fait, l’avant-garde espagnole était si proche que l’on pouvait percevoir, d’un quartier à l’autre, ces bruits métalliques que font les armées en campagne.
Le camp du roi Henri, en dépit de la disette, impressionnait par sa taille, ses belles tentes blanches et bleues, et ses bannières brodées d’or claquant au vent ; assurément, Jules César lui-même n’en avait jamais connu de si magnifique. Au matin du lundi 13 août, les allées et les bivouacs s’agitèrent soudain dans le brouillard : l’Espagnol venait d’attaquer un petit bois au nord, du côté de Fauquembergues, que l’on appelait le Bois-Guillaume. C’était la position clé du dispositif assiégeant, tenue par quelque trois cents arquebusiers de Guise et de Nevers.
Sous la tente royale, s’improvisa dans l’instant un conseil de guerre où les grands capitaines parurent hirsutes, plus ou moins, pourpoints tombant mal et collets de travers.
— Sire, annonça Montmorency tandis qu’un page peinait à nouer sa cuirasse, nos arquebuses ne tiendront pas longtemps face aux reîtres noirs de Schwartzenberg.
— Ces maudits corbeaux nous délogeront par la seule force du nombre, appuya le sieur de Tavannes qui les connaissait bien.
Le jeune Gaspard de Châtillon, sieur de Coligny, prit la parole pour souligner habilement les succès récents de son oncle, et l’imminence de la chute de Renty.
— C’est du reste cette perspective, conclut-il, qui pousse le vieil empereur à l’action.
François de Guise rejoignit le groupe avec retard et, arborant de si bon matin une balafre plus visible que jamais, voulut savoir ce qu’il s’était dit avant son entrée.
— Où en sommes-nous ? demanda-t-il sans presque saluer le roi. N’a-t-on rien décidé ?
Henri II qui, jusqu’ici, avait paru plutôt méditatif, fut comme tiré de ses pensées par les manières inciviles de son grand chambellan.
— Mon compère, lui dit-il, nous venions justement de solliciter l’avis de M. de Montmorency.
Le duc se rembrunit, le connétable en profita.
— J’ai déjà fait donner, asséna-t-il, tous mes chevau-légers {32} . M. de Tavannes n’aura qu’à tenir prêts ses gendarmes {33} ... Mais il faut avant cela que le petit bois nous revienne ; car si l’ennemi venait à substituer là un corps d’arquebusiers au nôtre, toute charge deviendrait vaine.
— Je pourrais y employer mes gens de pied, proposa le neveu Coligny.
— C’est à envisager, merci, consentit le connétable.
Le balafré crut le moment choisit de porter l’estocade.
— Et que ferons-nous si vos chevau-légers, et jusqu’aux fantassins de ce monsieur, échouent à emporter le morceau ?
— Nous insisterons, répliqua Montmorency. Nous enverrons les lansquenets, les Suisses, les Écossais, que sais-je ?
— Les marmitons..., murmura Guise.
Cela s’entendit, mais personne n’eut l’audace de relever. Le roi lui-même, pour faire diversion, proposa de grimper sur une terrasse, d’où le destin de ce boqueteau leur apparaîtrait moins brumeux.
En vérité, le Bois-Guillaume ne fut pas si facile à reprendre. Il y fallut presque toute l’armée du roi, et des trésors de courage et d’énergie. Guise et Tavannes,
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