Madame Catherine
ralliant les Français chassés une première fois, et s’appuyant sur la cavalerie légère du duc d’Aumale – libéré contre rançon – repoussèrent une partie de la défense espagnole vers ses soutiens en déroute. Le régiment de Nevers en profita pour faire des captifs.
De son côté Coligny, lui-même à pied, la pique à la main, menait ses gens à la mêlée, face à la mitraille, et fondait sur le petit bois pour y embrocher de l’ennemi. Un violent corps à corps, très sanglant.
Enfin la position fut reprise.
Il devenait donc loisible aux Français, dans la foulée, de donner l’assaut à la place. Seulement la nuit approchait ; les troupes étaient fourbues... Le connétable s’était trop longtemps acharné sur ce bois de misère.
— L’ennemi est à nous, il faut le poursuivre et lui faire rendre gorge, jugeait Guise.
— Certes, certes, concéda Montmorency, mais il est bien tard !
Le roi se rangea sans peine à ses vues – et c’est ainsi que fut perdue la plus belle occasion de toute cette campagne : une opportunité unique de mettre l’empereur à genoux.
C’est peu dire que Charles Quint fut surpris de voir les Français se replier sans charger, et lui laisser la voie libre jusqu’au fort... Ainsi donc, il avait perdu des canons, des enseignes – une vingtaine – et un demi-millier d’hommes, mais personne, pour autant, ne pourrait l’estimer battu !
Certains, dans l’entourage du Balafré, se demandaient amèrement si le connétable n’avait pas reculé, précisément, devant cette perspective-là. Montmorency n’avait-il pas toujours fait preuve de la dernière bienveillance à l’égard de l’empereur ?
— Il a surtout, pérorait le duc, travaillé contre ma victoire ; car le public, forcément, ne s’y serait pas trompé !
Cela non plus n’était pas faux.
Le soir même, au coucher du roi, François de Guise exsuda sa rancoeur. Multipliant les piques à l’encontre de son adversaire dans le Conseil, il sautait sur la moindre occasion de souligner combien son activisme à lui tranchait sur la passivité d’un Montmorency.
— Nous avons délogé l’Espagnol de ce bosquet, ruminait-il, mais je n’en vois pas l’utilité si c’était pour ne rien faire d’une victoire aussi chèrement acquise !
— Du moins nous aurons repris le Bois-Guillaume, ponctua piteusement le roi.
— La belle affaire, en vérité. Ce soir, martela Guise, c’est votre ennemi qui couche à Renty, dans un lit que la victoire aurait dû réserver à Votre Majesté !
Le connétable, lassitude ou manoeuvre, feignait d’être au-dessus de telles critiques. Mais son neveu Coligny n’avait pas sa patience...
— Faites-le taire, murmurait-il à ses proches, ou bien je vais devoir m’en charger.
— Quand je pense, insistait le duc, que nous avons tout risqué, tout failli perdre ! Et pour quel résultat ? Vous, Tavannes, n’avez-vous pas été sublime ?
François de Guise aimait ainsi dispenser les grâces. Il enviait même Henri d’avoir eu, sur-le-champ, le geste d’ôter son propre collier de Saint-Michel, pour en décorer ce grand capitaine.
— Nous avons accompli, en ce jour, quelques grandes actions, redit-il.
— « Nous », monsieur le duc ?
— Plaît-il ?
Gaspard de Coligny répéta sa question.
— Vous dites : « Nous avons accompli ». Moi, je demande : où étiez-vous ?
— Ah, ça !
Visiblement, les piques dont il avait usé au combat avaient fort aiguisé l’acuité du jeune guerrier. Le duc en resta d’abord médusé, mais il n’était pas homme à passer outre. Le seigneur catholique vint se ficher droit devant le chef réformé.
— Jeune homme, ne m’ôtez pas mon honneur !
— Je ne le veux nullement.
— Et vous ne le sauriez !
Guise défia longuement Coligny du regard ; celui-ci, sans baisser les yeux, préféra demeurer coi. Mais à peine le duc avait-il fait un pas de côté que l’autre ne put s’empêcher d’ajouter un mot.
— Vous arrivez toujours si tard...
Ce fut le signal qu’attendait le grand fauve pour se jeter sur sa proie ; plusieurs gentilshommes s’interposèrent, et l’on faillit voir – chose inouïe – une rixe dans la chambre même du souverain !
Henri mit ce désordre sur le compte de la fatigue générale... Il exigea la réconciliation immédiate des bretteurs – un accord aussi rapide que forcé : les deux hommes se serrèrent la main, certes, mais non
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