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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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tant d’années durant, construit si patiemment sa réussite éblouissante, pour se laisser déchoir avant l’heure, si facilement, et sans résister !
    Son heure était peut-être passée... Sans doute, même.
    Certains soirs, apprenant qu’Henri vomissait sans arrêt, ou que les fièvres le reprenaient, ou qu’il avait perdu connaissance, elle sentait peser sur elle le poids d’un fardeau immense, s’agenouillait, pleurait longtemps en silence – sur elle-même autant que sur lui. Lui réserverait-on le sort qu’elle avait fait subir, douze ans plus tôt, à la duchesse d’Étampes ?
    Sûrement son heure était-elle passée.
    Mais il suffisait que la rumeur lui revînt qu’on avait joué de la musique au chevet du blessé, qu’il avait avalé plusieurs compotes avec un apparent plaisir, que le duc de Savoie avait envoyé chercher Vésale jusqu’à Bruxelles, pour qu’un espoir aigu la traversât contre la raison même, et que, se redressant de toute sa hauteur, serrant les poings, gonflant la poitrine, elle se prît à y croire comme jamais.
    Non, la très haute et très puissante dame de Poitiers, duchesse de Valentinois, n’avait pas dit son dernier mot. Et si, par un miracle singulier, ses instantes oraisons produisaient un quelconque effet, si par l’intercession de feu le Grand Sénéchal, son mari, ou de feu le bon Saint-Vallier, son père, Jésus et tous les saints parvenaient à ramener Henri II à la vie, alors on verrait. On verrait bien. On verrait comment elle traiterait les infâmes. On verrait quel sort elle réserverait à cette reine ingrate, à ces Guises félons, à cet inconstant connétable qui, tous, sans l’ombre d’un remords, l’avaient trahie et lâchée ! Tous...
    Grimaçante de haine, Diane ôta d’un petit vase un bouquet desséché de fleurs que ses femmes, désorientées par son état, n’avaient sans doute pas eu l’idée d’escamoter. Elle en tordit les tiges de ses mains crispées, jusqu’à s’en faire mal et, la bave aux commissures, les yeux injectés de sang, déchiqueta les malheureuses comme elle l’eût fait de tous ceux qui, à quelques pas de là, venaient de la condamner.
    — Maudits ! hurlait-elle à voix très basse. Maudits ! Maudits...
    Les rougeoiements du couchant nimbaient la pièce de reflets étranges. Une servante toute maigre entrouvrit une porte, qui grinça.
    — Madame ?
    Diane ne répondit pas.
    — Madame, c’est Monseigneur qui demande à vous parler...
    — Comment... Le connétable ? Tout serait donc fini !
    Elle se ressaisit dans l’instant, arrangea sa robe d’intérieur, passa ses mains dans ses cheveux défaits.
    — Entrez, ma fille, entrez. Appelez du monde ! Qu’on m’installe dans mon lit. Et qu’on me rende quelque apparence !
    — Ce ne sera pas nécessaire.
    Anne de Montmorency, poussant le vantail, était déjà dans la chambre. Diane, d’un regard immédiat et perçant, voulut savoir ; or elle comprit que rien n’était perdu.
    — Le roi vit-il ? demanda-t-elle d’une voix privée de timbre.
    — Oui, madame. Mais pour combien de temps ?
    Elle se retourna, bouleversée, serrant son poing contre sa bouche. Le vieux sanglier paraissait hors de lui.
    — Vous n’êtes pas la bienvenue là-bas ? Estimez-vous heureuse ! Ils sont trop fielleux et mauvais. Ah, les ignobles vautours !
    Elle comprit, sans le demander, qu’il se plaignait surtout des frères de Guise.
    — Cette fois, poursuivait-il, ils ont juré ma perte ! Le croirez-vous, si je vous dis qu’ils essaient de m’imputer le fait que la visière du roi ne fût pas attachée ? « En tant que juge du camp, m’a seriné tantôt votre immonde cardinal, vous auriez dû mieux veiller à ce genre de chose. » Par ma foi, ce foutu renard est bien capable de me traduire en justice là-dessus ; et faites confiance au Parlement pour lui offrir ma tête sur un plateau de vermeil !
    Dans des circonstances aussi graves, un tel apitoiement sur soi aurait dû offusquer la duchesse, mais elle-même s’inquiétait assez de son propre sort pour comprendre – à défaut de les partager – les transes du connétable. Celui-ci paraissait affolé pour de bon.
    — Mon amie, osa-t-il, dites-le-moi tout bonnement : que feriez-vous dans ma position ?
    — J’éviterais de venir prendre les conseils d’une dame en sursis.
    Il voulut bien sourire et s’excuser. La duchesse en profita pour le ramener au sujet central.
    — Que

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