Madame Catherine
rompre.
— J’ai beau faire, je ne crois pas que vous réussirez.
— Il nous suffit que vous le souhaitiez.
— Ah, pour ça oui, je le souhaite !
Godefroy sentait monter en lui une sourde colère.
— Monseigneur, raisonna-t-il, le duc de Guise dispose, à Blois, tout au plus de cinq à six cents hommes de troupe, au demeurant mal entraînés et fort peu motivés. Je puis aligner contre lui presque autant de gentilshommes, tous aguerris, enflammés par la conscience de prendre leur part d’un grand combat. Ne voyez-vous pas, dès lors, où le sort pourrait incliner ?
— Non... Mais je puis me tromper... Et vous avez ma bénédiction.
— Pourrais-je, monseigneur, vous suggérer de recevoir le conseil de capitaines que m’a donné notre assemblée de Nantes ?
Le prince fronça les sourcils.
— Ce ne serait pas leur rendre service, j’en ai peur. Et puisqu’ils sont, dites-vous, motivés, tâchons de leur garder intacte cette belle motivation.
Godefroy du Barry fulminait.
— Qui prendra la succession des Guises, si nos propres chefs se dérobent à leurs plus saints devoirs ?
— Une fois conquise la place, le rassura Charles de Castelnau, ils trouveront encore le moyen de s’en déchirer les arpents...
— Puissiez-vous dire vrai !
Paulon de Mouvans, chef adulé des Réformés de Provence, approuva d’un rire bruyant. Mais les Maligny – Jean de Ferrières et son frère, Edme – ainsi que les capitaines de Mazères et d’Aubigné {65} , paraissaient plus dubitatifs.
— C’est vous, baron, qui aurez en charge la personne du roi, rappela Jean de Ferrières en s’adressant à Castelnau. Il est très important que vous lui expliquiez d’emblée que nous n’oeuvrons que pour son bien, et n’aurons de cesse que Sa jeune Majesté ne soit rétablie dans la plénitude de ses droits.
— Vous vous voyez déjà les maîtres de Blois ! protesta Jean d’Aubigné. Il y a pourtant loin de la coupe aux lèvres !
— C’est assez du prince de Condé pour nous décourager ! pesta La Forest.
Ils tenaient ce conseil dans la salle basse de la maison que leur louait un avocat protestant du nom de Pierre des Avenelles, dans le Faubourg Saint-Germain. Le maître des lieux, quoique sympathisant de la cause, avait du reste été soigneusement tenu à l’écart de la conjuration. Las, les réunions continues, comme les perpétuelles allées et venues de petits seigneurs à la mine conspiratrice, alarmèrent ce bon bourgeois...
Après trois jours de cet incessant manège, il apostropha Godefroy dans l’escalier qui menait à sa chambre.
— Messire, dit-il en se forçant à sourire, je ne voudrais pas vous paraître indiscret, mais il me semble, à ce que je vois, qu’il se brasse quelque chose dans cette maison...
— Rassurez-vous, cher maître, rien que de très avouable : nous préparons un carrousel qui doit se tenir en Périgord au printemps.
— Drôle de carrousel, à ce que j’ai pu ouïr...
La Forest crut qu’il allait manquer une marche.
— Et qu’avez-vous donc ouï, je vous prie ?
— Eh bien, je suis tombé – sans le vouloir du tout – sur un conciliabule que tenaient vos amis trop près de mes latrines... Ils ne parlaient que de siège, d’assaut, de supprimer messieurs de Guise et de placer la reine mère en surveillance...
— Vous aurez mal entendu, protesta Godefroy qui, néanmoins, redescendit quelques marches en direction du propriétaire.
— Non, je regrette, il...
Le Périgourdin l’interrompit. Il prit maître des Avenelles par le bras et fermement, le conduisit jusqu’à sa chambre, dont il referma la porte derrière eux.
— Vous en savez trop, dit-il d’une voix sourde, et je devrais vous tuer.
À ces mots, le pauvre homme ouvrit des yeux ronds et se mit à trembler.
— Je vous en supplie, messire, je soutiens votre...
— Y a-t-il une Bible ici ?
L’avocat fit un signe de tête en direction d’une étagère.
— Parfait, dit La Forest en s’emparant du livre.
Il le tendit à l’indiscret.
— Vous allez me jurer sur les Saintes Écritures de ne rien révéler de ce que vous avez pu entendre depuis trois jours.
Des Avenelles s’exécuta sans résister. Sur quoi Godefroy le renvoya rudement.
— Nous trahir, dit-il, serait signer votre mort.
— Je ne vous trahirai pas ! assura l’avocat, bouleversé. Bien au contraire, je vais prier pour le succès de vos entreprises.
Sur quoi le soir même,
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