Madame de Montespan
de 1 200 livres sur la cassette du Roi. Lambert travaillait en collaboration avec des poètes tels que Benserade, Boisrobert ou Quinault et, outre des chansons, il nous a laissé des motets, des cantates et d’admirables Leçons pour les ténèbres. Sa fille, Madeleine, deviendra Mme Jean-Baptiste Lulli qu’Athénaïs porta aux plus hauts emplois.
Car elle était toute-puissante. Un jour, par exemple, Philippe Quinault – pensionné à 2 000 livres – vint à lui déplaire : c’était le 5 janvier 1677, à Saint-Germain. On y donnait ce soir-là sa tragédie-opéra : Isis. Or chacun, à tort ou à raison, crut retrouver sous les traits de la déesse égyptienne le visage de la favorite. Et comme on connaît le triste sort d’Isis, comme l’on sait que Jupiter la transforme en génisse... Mme de Montespan se vexa. Vade rétro, Quinault ! Que l’on fasse venir Racine ! Las ! l’homme de La Ferté-Milon n’était pas un faiseur d’opéras. Il appela donc l’ami Boileau à son secours, mais l’opéra n’était pas non plus dans les cordes du père des Satires. Le résultat fut médiocre : « Un fade prologue sur la poésie et la musique. » Qu’importait ! Athénaïs les aimait bien. Cette année-là (1677), ils furent l’un et l’autre nommés historiographes du Roi et admis aux soirées chez Mme de Montespan. Louis XIV y assistant, on leur demandait alors de lire quelques bonnes pages de leur histoire contemporaine.
Un jour, Boileau court chez la favorite. Il est inquiet pour le grand Corneille. La faveur publique l’abandonne et il vient d’être privé de sa pension. Chose indigne.
— Pour la gloire même du Roi, faites plutôt retrancher ma propre pension que celle d’un homme qui la mérite si bien, ajoute-t-il.
Le lendemain Mme de Montespan dit un mot et la pension de Corneille fut rétablie. Athénaïs était puissante.
Ne parviendra-t-elle pas aussi à faire rentrer en grâce auprès du Roi l’ancien trouvère du château de Vaux-le-Vicomte, l’ancien poète de Nicolas Foucquet le claquemuré de Pignerol : Jean de La Fontaine ? C’est à Athénaïs, d’ailleurs, qu’en 1679 il dédiera le second recueil de ses fables. Pour l’occasion, il la baptisera Olympe :
... Paroles et regard, tout est charme dans vous.
Ma muse, en un sujet si doux,
Voudrait s’étendre davantage ;
Mais il faut réserver à d’autres cet emploi
Et d’un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage.
Olympe, c’est assez qu’à mon dernier ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d’abri ;
Protégez désormais le livre favori
Par qui j’ose espérer une seconde vie.
Sous vos seuls auspices, ces vers
Seront jugés, malgré l’envie,
Dignes des yeux de l’univers...
Ce qui n’empêchera pas notre fabuliste, quelques mois plus tard, quand Mme de Fontanges s’installera momentanément dans le lit du Roi, de faire preuve d’un opportunisme à tout crin. Il lui composera en effet une épître tout aussi louangeuse.
Charmant objet, digne présent des cieux,
Et ce n’est point langage du Parnasse,
Votre beauté vient de la main des Dieux...
Et si quelques vers plus loin il parle de son joli visage... il se garde bien de faire allusion à sa tête sans cervelle !
Reste le plus grand : Molière. Combien de ses pièces en effet sont des commandes du Roi, et combien de commandes ont été suggérées par Mme de Montespan !
C’était une tradition chez les Mortemart d’aimer et de défendre Jean-Baptiste Poquelin. Le père d’Athénaïs était un fervent moliériste, son frère, le gros Vivonne, soupa parfois avec l’auteur-comédien. Mme de Thianges l’appréciait aussi beaucoup ; la favorite ne pouvait donc faillir à cette tradition familiale.
En 1663 l’auteur de L’École des Femmes figurait déjà sur l’état des pensions des gens de lettres, mais pour la modeste somme de 1 000 livres : modique, en effet, au regard de ce que touchaient Benserade ou l’abbé Cottin ou encore Jean Chapelain et d’autres plumitifs aujourd’hui rayés de la carte.
Il faut attendre l’été de l’an 1665 – une saison où Athénaïs commençait de faire plus que de la figuration ! pour que la troupe de Molière, six mois après que fut joué Le Festin de Pierre, quittât son protecteur, Monsieur, pour passer au service du Roi.
« Vendredi 14 août la troupe alla à Saint-Germain-en-Laye. Le Roy dit au sieur Molière qu’il voulait que la troupe dorénavant
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