Madame de Montespan
lui appartînt et la demanda à Monsieur. Sa Majesté donna en même temps 6 000 livres de pension à la troupe qui prit congé de Monsieur... et prit ce titre : Troupe du Roy, au Palais Royal {18} »
Athénaïs aimait la musique et la danse, les comédies-ballets produites à grand renfort de « machines ». C’est elle qui incita son amant à passer commande d’une Comtesse d’Escarbagnas à jouer pour les fêtes de Saint-Germain, en décembre 1671, avec force ballets de cour. Elle n’est pas étrangère non plus à l’idée de La Princesse d’Elide, à celle de Psyché ou à celle du Bourgeois Gentilhomme à l’occasion de la visite à Paris de l’envoyé du Grand Turc.
Athénaïs aime que l’on se moque : elle aime Molière. Les astrologues de la cour lui semblent ridicules ? Elle demande à Jean-Baptiste Poquelin de les caricaturer : Molière compose Les Amants magnifiques. Tartuffe daube les faux dévots de la vieille cour : l’Église se fâche, Athénaïs sourit, Molière l’emporte. Don Juan se moque du diable et de Dieu, Molière est menacé, Athénaïs s’amuse, Molière l’emporte. Après William Harvey, les Scavantissimi doctores s’étaient mis à croire, pour beaucoup d’entre eux, en la circulation du sang provoquée par les mouvements du coeur. Il subsistait cependant quelques irréductibles tel le sieur Guy Patin, doyen de la Faculté de médecine de Paris, qui continuait d’affirmer que « le seul mouvement du sang était dû à l’attraction exercée sur lui par les organes et à l’impulsion des veines, que les artères, même si elles contenaient un peu de sang spiritueux rouge, étaient essentiellement destinées à favoriser la circulation de l’air ». Pour justifier la présence du sang dans ces conduits, notre « anticirculateur » têtu faisait appel à des forces occultes du genre, citons-le : « calorique inné d’origine céleste se trouvant dans le ventricule droit et transformant, dans le ventricule gauche, l’esprit naturel de nature vaporeuse en esprit vital de nature aérienne ».
Diafoirus à l’état pur ! Athénaïs détestait « cet imbécile de Patin », elle aima le médecin du Malade imaginaire... le dernier Molière.
Cette passion pour le théâtre lui venait peut-être du fait qu’elle était elle-même une excellente comédienne. On sait déjà qu’elle composait des imitations remarquables, qu’elle singeait à la perfection les importuns ou les ennemis, on sait aussi qu’elle aimait rire et faire rire : et c’était une étrange entreprise que de faire rire les courtisans dans une cour où trop souvent régnait l’ennui sous les brocarts et les dorures. Elle était donc pétillante. Elle n’hésitait jamais à jouer un méchant tour quand l’occasion se présentait. Ainsi, au jour du mariage de Mlle d’Alençon (fille de Gaston d’Orléans) et de M. de Guise, quand le maître de cérémonie s’aperçut in extremis qu’il manquait deux coussins pour que les fiancés puissent s’agenouiller, elle proposa de lui en fournir... et elle fit donner les coussins de ses chiens !
Quand la dame était à sa fenêtre, les courtisans faisaient un détour, ils craignaient toujours quelques-unes de ces flèches qu’elle savait si bien décocher.
Athénaïs était puissante et crainte, mais adulée aussi. Le courtisan Langlais – fils d’un homme qui percevait la maltôte (une sorte d’impôt supplémentaire... déjà !) et d’une femme de chambre d’Anne d’Autriche – qui se consumait d’amour pour elle lui avait en effet offert cette robe « d’or sur or rebrodé d’or » que nous a déjà décrite Mme de Sévigné ; le Roi, quant à lui, la couvrait de bijoux et de pierreries.
Il est au camp de Dole, par exemple, le 9 juin 1674, quand il écrit à l’intime Colbert la lettre suivante qui mérite d’être publiée.
« Mme de Montespan ne veut pas absolument que je lui donne des pierreries ; mais afin qu’elle n’en manque pas, je désire que vous fassiez travailler à une petite cassette bien propre, pour mettre dedans ce que je vous dirai ci-après, afin que j’aie de quoi lui prêter à point nommé ce qu’elle désirera. Cela paraît extraordinaire, mais elle ne veut point entendre raison sur les présents. [On notera ici l’habileté d’Athénaïs qui feint de refuser ce que, de toute évidence, elle désire le plus !] Il y aura dans cette cassette un collier de perles que je veux qui
Weitere Kostenlose Bücher