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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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belle-sœur chantèrent divinement. Et Jean-Baptiste Lulli, poussé par Lambert, offrit même aux convives quelques-unes des danses dont il avait le secret, « des postures à pâmer », affirmait la belle Gillonne.
    Quelque cinq ans auparavant, Anne-Louise apprenait l'italien et avait demandé à son oncle de Guise, fort introduit en Toscane, quelqu'un avec qui elle pût le parler. Il lui avait ramené ce garçon, un Florentin de quatorze ans, déluré, apprécié déjà pour ses talents de musicien et surtout de danseur.
    Elle avait progressé en italien, bien que ce fût la langue du cardinal détesté. Elle avait gardé Jean-Baptiste à son service, mais elle ne s'était guère préoccupée de sa carrière. Elle supportait mal la vulgarité qu'il affichait parfois et n'était pas intervenue quand son maître d'hôtel, pour punir l'insolent, l'avait mis un temps aux cuisines comme sous-mitron.
    Il avait composé un couplet égrillard sur un soupir de Mademoiselle nettement entendu dans sa chambre, un soupir amoureux peut-être, disait-il, sorti par un conduit naturel, qui n'était pas celui de la bouche... Une fois sa pénitence purgée, le jeune homme était remonté des cuisines dans les salles de spectacles.
    Il y était parfait. Il jouait à merveille du violon, chantait les airs de Luigi Rossi, avait pratiqué la Commedia dell'arte. Les Français, tout comme Mademoiselle, s'étaient familiarisés avec la musique importée par le cardinal. Ce n'était pas parce que l'on combattait le Mazarin qu'on allait se priver de toute cette italianerie à la mode !
     
    Ce fut un festin mémorable. Anne-Louise pouvait être satisfaite. Ses invités partis, elle mit une cape de lainage rouge et sortit par le côté est du château. La nuit était étoilée, le vent léger. Devant elle et jusqu'au fossé de Charles V s'étendait « le Parterre de Mademoiselle » comme on l'appelait, tel qu'elle l'avait voulu.
    Au premier plan, les huit carrés en damiers, remplis de fleurs automnales, dont l'un figurait les armes de France. Ensuite, les autres carrés, tout aussi réguliers, plantés de sycomores, d'ormes, de sapins qu'elle entendait doucement bruire.
    Devant toute cette beauté, une émotion délicieuse la saisit. Avide de la prolonger, elle retraversa précipitamment son logement, les bâtiments édifiés sous Catherine de Médicis et Henri IV, et sortit cette fois à l'ouest. Elle fit quelques pas sur la terrasse. Quelle beauté à nouveau ! Différente.
    La Seine sur sa gauche se déroulait comme un souple ruban gris argent. La perspective était beaucoup plus étendue. En face d'elle, le jardin ancien, avec son allée centraleinterminable, l'entrelacs de ses allées secondaires, et ses deux bassins.
    Elle apercevait, du côté du fleuve, la porte de la Conférence qui barrait au loin le quai des Tuileries, sur sa droite la Grande Écurie et la terrasse des Feuillants bordée de deux rangées de mûriers, voulus par son grand-père pour encourager la culture des vers à soie.
    La lune s'était levée. Au-delà du nauséabond égout des Tuileries, qui descendait de la porte Saint-Honoré à la Seine, Anne-Louise pouvait distinguer, après les verdures de ses jardins, d'autres verdures à l'infini. Sans interruption.
    À l'horizon, s'étendaient bois de merisiers et de tilleuls, vergers de poiriers et de pruniers, cultures de houblons et de fraisiers. L'eau d'arrosage était amenée de Saint-Cloud par des conduits en plomb disposés sous terre, ou depuis la Seine par la pompe de la Samaritaine. L'air était pur, le silence impressionnant, rompu seulement par le hululement des chouettes ou le coassement des grenouilles.
    Cette souveraine beauté, cet accord de la nature et de l'habileté de l'homme, ce luxe, la jeune fille les avait toujours connus puisqu'elle avait toujours vécu au château des Tuileries. Mais elle les appréciait davantage encore, ce soir d'octobre. Ils apaisaient son inquiétude et l'incertitude de son avenir.
    D'après les rumeurs, le retour à Paris du roi, définitivement victorieux des frondeurs, était imminent. Jusqu'ici, bien des gens approuvaient, espéraient son mariage avec Louis, elle le savait. On la trouvait belle, intelligente et très riche. Mais que pensait maintenant sa tante ? Condé parti, son excitation envolée, elle se rendait compte de l'énormité de son geste à la porte Saint-Antoine. Une onde de peur la parcourut.
    Elle porta son regard vers la Seine et se calma

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