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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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aussitôt. Tant qu'il lui était permis de contempler cette splendeur, tant qu'elle pouvait se l'approprier, rien n'était perdu.
    La même impression l'étreignit en entrant dans sa chambre où Perrette et trois de ses servantes l'attendaient pour la mettre au lit. Comment ne pas se rassurer en contemplant la douce harmonie de la pièce !
    Les six fauteuils à bras recouverts de soie bleu de France, le secrétaire des Flandres à quatre panneaux décorés de fruits multicolores, le manteau de cheminée recouvert de porcelaines rares, les candélabres dorés aux multiples bougies, le lit à baldaquin bleu et or, les rideaux de même étoffe, « son » Jeune Homme au lézard. Et puis, pour donner la réplique à celles du Parterre, des fleurs, beaucoup de fleurs, en bouquets, dans trois gros vases de cristal, ainsi que sur les peintures murales, d'origine flamande.
    Près de la cheminée, son siège préféré, sa « chaise à la poupée », à l'origine un terme des tourneurs sur bois. Son père, en amateur d'art avisé, le lui avait expliqué. Mais elle feignait de croire, depuis son enfance, qu'il était le siège réservé à sa poupée, une souple poupée de tissu à la figure de cire, au crâne recouvert d'une perruque de vrais cheveux coiffés en tresses, habillée de vêtements magnifiques copiés sur les siens.
    Elle soupira. Son père... Qu'allait-il faire, quitter Paris et rejoindre Condé, ou reprendre sa place à la cour ? Quelle place ? Et qu'allait lui conseiller sa stupide épouse ?
    En se glissant dans son lit, le souvenir du festin réussi lui revint. Elle se sentit contente d'elle-même. Elle n'avait pas cédé à ses craintes. D'ailleurs elle n'avait rien à craindre. Ses exploits, elle ne les avait pas accomplis en rebelle, mais pour manifester sa gloire. Affirmer qu'ellen'était pas seulement première princesse du sang, mais digne d'être la reine de France. Allons, tout irait bien. Les murs des Tuileries la protégeaient.
    Elle dormit d'un trait jusqu'au milieu de la matinée.
    Perrette la coiffait quand un maître d'hôtel du roi lui remit une lettre de Louis. Son cousin lui annonçait son retour dans la capitale pour le jour suivant. Comme il n'avait pas, prétendait-il, d'autre logement que les Tuileries à offrir à son frère Philippe, il ordonnait à Mademoiselle d'en sortir le lendemain 21 avant midi. C'était bref et sans réplique.
    Désemparée, Anne-Louise se fit conduire immédiatement chez son père, au Luxembourg. Contenant avec peine ses larmes, elle lui apprit qu' elle était chassée de son logis — sous un mauvais prétexte, encore —, et lui confia son désarroi de ne savoir où coucher le lendemain soir. Gaston lui montra la plus grande froideur et se garda bien de lui proposer une chambre dans son palais.
    Sans se décourager, Anne-Louise le supplia de l'accueillir chez lui.
    — Personne n'y a plus de droit que moi.
    — Impossible, répliqua-t-il. Tous ceux qui y logent me sont nécessaires et n'en délogeront pas.
    Alors elle s'affola, s'indigna.
    — Je suis allée à Orléans par votre ordre et je vous ai servi de mon mieux. Comment imaginer que Votre Altesse Royale dût maintenant en user avec moi de la sorte ?
    — Je ne veux plus me mêler de vos affaires, Mademoiselle. Vous vous êtes si mal gouvernée avec la cour... Ne croyez-vous pas que l'affaire de Saint-Antoine vous a nui ? Vous avez été aise de faire l'héroïne, de dire que vous aviez sauvé notre parti deux fois. Quoi qu'il vous arrive désormais, vous vous en consolerez en songeant aux louanges qui vous furent alors prodiguées.
    Devant tant d'injustice, la colère l'emporta.
    — Je vous ai servi, mon père, à Saint-Antoine comme à Orléans. C'était mon devoir. Je recommencerais s'il le fallait. Et je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « faire l'héroïne ». Je suis d'une naissance à ne rien accomplir que de grand et de haut dans tout ce que j'entreprends. J'appelle cela suivre mon inclination. Puisque vous ne voulez pas de moi, poursuivit-elle, puisque vous m'abandonnez, j'irai coucher à l'hôtel de Condé où il n'y a personne.
    — Je vous l'interdis.
    — Où voulez-vous donc que j'aille ?
    — Au diable, dit Gaston.
    Et il sortit.
    Tout étourdie, Anne-Louise chercha refuge chez Gillonne de Fiesque. Elle ne voulait plus passer une seule nuit aux Tuileries.
    Le 21, elle se rendit dès le matin chez Mme de Choisy, dont l'une des fenêtres donnait sur la place du

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