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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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Gaston.
    — Ce n'est rien, Votre Altesse. Une nouvelle tromperie de ce diable de Condé. Il a conclu assurément un accord secret avec la cour et fait mine de livrer bataille à l'armée royale. Un artifice !
    — Est-ce un artifice que ces pauvres gens pourchassés qui n'entrent dans Paris que morts ou blessés ? rugit Anne-Louise. Vraiment, mon père, puisque vous ne voulez pas vous rendre à l'hôtel de ville vous-même, je vous remplacerai. Ce ne sera pas la première fois. Je demanderai que les bourgeois prennent les armes dans tous les quartiers. Ils aideront le prince.
    Elle se sentait investie d'une mission. Il lui fallait sauver Condé. Elle l'avait déjà aidé. Il croyait en elle, il croyait qu'elle serait reine. Le peuple aussi l'estimait depuis sonentrée extraordinaire dans Orléans. Dès qu'on la reconnaissait, on l'acclamait. Les gazettes n'avaient pas assez de mots pour la louer. À nouveau, la fierté la prenait d'agir et de vaincre. Comment ? Elle aviserait sur place.
    Elle quitta le Luxembourg à cheval, accompagnée de sa fidèle Gillonne — Claire restant auprès de son mari, blessé. Pour la première fois, elle méprisait son père et découvrait ses incertitudes, sa lâcheté.
    Par moments, elle l'excusait. Il était si mal entouré. Sa femme, craintive et sournoise à la fois, toujours malade ou enceinte. Son âme damnée, ce Retz, si ambitieux, qui détestait tout le monde et ne supportait Gaston que pour les services qu'il lui extorquait.
    Plût au Ciel que son père l'eût écoutée, elle ! Qu'il ait mis ses soins à lui faire avoir la couronne de France ! Qu'ils aient uni leurs forces ! Ils n'auraient plus eu besoin de personne.
    Les regrets commencèrent à l'envahir. Quand elle eut dépassé l'hôtel de ville et se fut avancée vers la porte Saint-Antoine, ils firent brusquement place à l'horreur. Elle découvrit les atrocités des combats.
    À chaque pas, le long des rues, des morts étendus par terre, des blessés livides, geignant, touchés à la tête, au corps, aux jambes, se traînant avec peine, ou transportés sur des échelles, des planches, des civières.
    Ce n'étaient plus la guerre en dentelles d'Orléans, ni les roulements de tambour qui célébraient son entrée dans la ville, ni les soldats en formation de parade. C'était comme un chemin de croix sanglant et gémissant.
    Elle n'en pouvait plus, de compassion et d'effroi.
    Près de la porte Saint-Antoine, un maître des comptes la fit entrer dans sa maison, proche de la Bastille. Elle s'imagina Condé lui-même, deux doigts de poussière sur le visage, la cuirasse lardée de coups, l'épée sans fourreau,désespéré de la perte de ses amis. Elle s'affala sur une chaise et laissa la pitié l'envahir. Tout faire pour sauver ces hommes qui souffraient.
    La journée s'avança, la chaleur devint suffocante, et l'odeur du sang écœurante. Anne-Louise réclama de l'eau pour Gillonne et pour elle-même, du vin pour les combattants alentour. L'idée de nourriture la rebutait.
    Enfin, n'y tenant plus, elle bouscula les hésitations du gouverneur de la Bastille, et décida de monter sur les tours de la forteresse. Avec une lunette d'approche, elle comprit aussitôt combien la situation était critique pour ses amis.
    Beaucoup de monde sur les hauteurs de Charonne, autour du roi. Dans le fond, vers Bagnolet, l'armée de Turenne, avec une impressionnante cavalerie prête à fondre sur Condé, à l'acculer au rempart. Et les maigres troupes du prince, qui ne pourraient longtemps soutenir l'assaut dans le faubourg Saint-Antoine. Elles allaient être massacrées, ici, au-dessous d'elle, à la porte de Paris.
    Alors elle somma les artificiers de tourner le canon de la Bastille en direction du faubourg. Elle sut parler à ces hommes, évoquer le désastre que serait l'écrasement des soldats de Condé, sans défense, coincés contre la muraille, à leurs pieds.
    Ils devaient lui obéir. Elle était la fille de Gaston d'Orléans. Elle luttait contre le Mazarin, responsable de tous leurs maux. Elle se dressait fièrement, les joues rouges de chaleur et de passion. Ses yeux bleus étincelaient. Les Parisiens l'adoraient. Les artificiers lui obéirent.
    Ils tirèrent, comme elle le leur ordonna, deux ou trois volées de canon sur les troupes royales qui s'avançaient dans le faubourg. Pendant ce temps, elle descendit en hâte de la tour et exigea d'ouvrir la porte Saint-Antoine. Condé et les siens s'y engouffrèrent. Elle leur

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