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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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lutter encore et encore contre l'Italien.
    Mais elle faisait fausse route. Les intrigues, les fourberies du cardinal commençaient à payer. Les Français en avaient plus qu'assez de cette interminable guerre civile, de l'appauvrissement général, des privations, des blessés et des morts. Les princes le comprenaient. Ils n'osaient plus croire à leur Fronde moribonde.
    Cet incendie était le premier coup de semonce. On les en tiendrait pour responsables, à coup sûr, alors que le cardinal avait tout manigancé. Mazarin, l'admirable bête politique, qui avait réagi magnifiquement à son échec de la porte Saint-Antoine. L'incendie de l'hôtel de ville ! Une riche idée pour effrayer le peuple, pour qu'il aspire de nouveau à l'ordre, qu'il se jette dans les bras de son maître, redevenu soudain un guide bien aimé.
    Il y eut quelques barouds d'honneur, mais l'été n'arrangea pas les affaires des frondeurs. Retz vira de bord. Nemours et Beaufort, les beaux-frères, se battirent en duel, et Nemours fut tué. Condé attrapa une fièvre double-tierce. Il songea à partir en Flandre combattre aux côtés des Espagnols qui lui faisaient les yeux doux. Gaston, accablé, vit mourir son fils unique à deux ans, de diarrhée. Dire qu'il avait tant de filles à marier...
    Par une suprême ruse, le cardinal fit mine de se retirer de la scène politique. Les Français n'avaient plus de raisons de se révolter. Ils sentaient le temps changer. Ils vinrent en masse assurer le jeune roi, établi à Compiègne, de leur fidélité. Beaufort faisait soumission. De loin, Mazarin tirait les ficelles.
    Quand Condé quitta Paris le 13 octobre pour les Flandres, Anne-Louise ne put retenir ses larmes. Il était venu lui dire au revoir. Elle admira son habit, pour une fois propre et élégant, du noir sur du gris, relevé de feu et d'or. Elle se souvint...
    Il lui avait fait l'honneur quelquefois de donner les mots de passe à ses soldats. Elle choisissait toujours les mêmes : « Orléans » et « Sainte Anne ». Alors il riait à pleine gorge :
    — Si je fais un jour la guerre contre vous, ma cousine, je passerai partout à coup sûr.
    Maintenant il partait. Quand le reverrait-elle ? Le calme était rétabli dans Paris. Louis bientôt y reviendrait.
    Qu'allait-elle devenir ? À quoi lui servirait d'avoir accompli, elle, une femme, des actions extraordinaires, d'avoir investi Orléans et fait tirer le canon de la Bastille, d'avoir tenu la place de son père ?
    Depuis des mois, elle n'avait pas revu la reine, sa tante. Elle se sentit seule et abandonnée.

10
    Les Tuileries
    Anne-Louise se secoua. Il fallait donner le change. Continuer à s'habiller, à rire, à danser, à poser pour le portrait que Beaubrun peignait d'elle. Quelques jours après le départ de Condé, le samedi 19, elle convia neuf personnes dans sa grande salle des Tuileries. Ses fidèles, Gillonne et Cécile, Claire de Frontenac et son mari qui allait mieux, Fiesque et Rohan, Mme de Châtillon, une des maîtresses de Condé, et deux hommes de confiance du prince.
    À Paris, même les riches étaient soumis à certaines restrictions. N'importe, Mademoiselle voulait qu'on parlât de son festin, qu'on sût partout, à la cour, dans les gazettes, qu'elle n'était ni découragée par le départ de Condé, ni accablée par le sort. Sa pourvoyeuse d'éloges, la Picarde payée pour vanter ses mérites, y veillerait...
    Mademoiselle ordonna donc de supprimer ce qu'on servait en ces occasions : ortolans, dindons, faisans, alouettes, bécassines, chapons, sangliers, biches, cochons,perdrix, canards et cailles, poissons rares de rivières ou de mer. On devait servir du bœuf, rien que du bœuf.
    Du bœuf, depuis la langue jusqu'à la queue en passant par la poitrine et l'aloyau. Cinq services, à la grande, disposés sur la table puis relevés par les domestiques l'un après l'autre, comme à l'habitude.
    Mais cinq services uniquement de bœuf, en rôti, en bouilli, en pâtés, en tourtes, en carbonades, avec, pour accompagnement et dans l'ordre, des assiettes de truffes, de champignons, de salades, de jaunes d'œuf, d'artichauts. Du bœuf, arrosé d'un épais vin de Bourgogne rouge. Ni sucreries, ni confitures sèches, ni dragées. Les restrictions...
    À coup sûr, on en parlerait.
    Pour l'heure, on oubliait autour de la table les soucis, les souvenirs pénibles, les menaces sur l'avenir. Les violons de Mademoiselle vinrent ajouter au charme du festin. Lambert et sa

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