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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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l'autre lit s'ouvrir et se fermer deux fois.
    Le lendemain, elles apprirent qu'un frère de lait de Mademoiselle était mort cette nuit-là dans les environs de Dijon.

12
    Saint-Fargeau
    Combien de temps encore devrai-je moisir ici ? Voilà deux ans déjà que j'arrivai dans ce château, terrorisée, fuyant les gardes du roi. Maintenant, je ne crains plus pour ma liberté ni pour ma vie. C'est bien pis. Je suis enterrée vivante dans cette forteresse.
    Quelles années gâchées ! Jamais je n'aurais imaginé que le roi et ma tante seraient si cruels, que mon exil - c'en est un, il faut que je le reconnaisse - durerait si longtemps. J'ai eu vingt-sept ans en mai. Une dérision ! Je suis majeure, je suis riche et je ne suis pas libre d'aller à ma guise.
    Je ne cesse de souffrir de la gorge, de migraines, ou de m'enrhumer. Moi, d'ordinaire si solide. Et quand les médecins me prescrivent les eaux de Forges, pas très loin, en Normandie, il me faut demander à la cour l'autorisation d'y aller. Bien sûr, ni Mazarin, ni Louis, ni ma tante nedaigneraient me répondre eux-mêmes. Ils font écrire par leurs valets. À moi, la première princesse du sang.
    Anne-Louise sentit les larmes lui monter aux yeux. Il y avait des moments où l'envie de pleurer ne la quittait pas. Dire qu'elle n'avait personne pour la consoler. Aucun homme pour la prendre dans ses bras, la réconforter, lui dire les douceurs qu'elle espérait toujours.
    Certes, elle avait bien Claire, toujours compatissante et tendre, qui, depuis leur nuit de frayeur à Dannery, partageait souvent sa chambre, et souvent son lit. Claire qui la caressait en lui murmurant inlassablement :
    - Vous êtes belle, je vous aime tant, nous sommes si bien ensemble.
    Cela n'était pas pour lui déplaire. Mais elle rêvait parfois de terres inconnues à découvrir sur la Carte du Tendre, et brûlait d'envie de connaître les ardeurs des amants dont elle lisait les aventures et les serments amoureux dans ses chers romans.
    En cette veille de Toussaint, elle rentrait chez elle, solitaire. L'escorte de quatre gardes-chasse armés, dans les parages, renforçait son impression d'isolement. Elle avait passé l'après-midi dehors, à marcher comme une forcenée, pour user ses forces et oublier sa tristesse. Empruntant un sentier qui longeait sur sa gauche des bois touffus de sapins, elle voulut contourner l'immense prairie qui s'étendait derrière le château.
    Le soir tombait. Venu des étangs innombrables disséminés dans la forêt, le brouillard se levait. Les six énormes tours de Saint-Fargeau lui apparaissaient environnées d'une brume blanchâtre, fantomatique et inquiétante. Dans ce paysage cotonneux, tout semblait irréel.
    Pourtant, elle entendait nettement les cris des oiseaux, les frôlements des animaux qui vivaient sous le couvert de la forêt ou se glissaient dans les herbes du pré. Elle avaiten horreur cette vie grouillante et invisible. Elle se sentait exposée sans défense aux yeux de ces êtres qui la fixaient méchamment, pointant vers elle leurs becs menaçants ou leurs museaux fouineurs.
    Je suis à bout, la campagne me tue. Dans cette maudite région, on meurt de chaud pendant deux mois, et le reste de l'année, on grelotte. L'été, je ne supporte plus les plaintes régulières, monotones et tellement tristes des grillons des champs, ni l'hiver, les hurlements des loups au loin sur la terre gelée. Quand retrouverai-je Paris ?
    L'épreuve durait trop longtemps. Anne-Louise était découragée. Rien de ce qu'elle aimait n'avait plus ici la même saveur. Même les courses à cheval, même la splendeur des arbres. Les fleurs, assez robustes pour supporter le rude climat de la Bourgogne, passaient trop vite. Les autres se languissaient et mouraient.
    Tout avait pourtant bien changé depuis son arrivée. Pendant son séjour à Dannery, Préfontaine avait paré au plus pressé. Il lui avait trouvé d'abord un lit, celui du bailli, un jeune marié qui s'était offert pour l'occasion le meilleur du village et des environs, et se l'était vu brusquement confisquer. Au diable ses ébats amoureux, il fallait assurer le repos de Mademoiselle.
    Avant les grands froids, on termina les travaux les plus urgents, portes, fenêtres et toitures. L'argent de la châtelaine stimulait l'ardeur des ouvriers du coin. Dieu sait qu'elle en dépensa !
    Courageusement, elle chercha des dérivatifs à son ennui. De Paris, elle fit venir force canevas, soies multicolores, laines et

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