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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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Lauzun alarmé, agité.
    Leurs précautions étaient devenues inutiles. Les gens jasaient de plus en plus. Louvois, le puissant ministre, avait été informé de leur projet. Par qui ? Peut-être par un médecin de la princesse. Lauzun espérait que Mme de Montespan, à qui il avait rendu des services, demeurerait leur alliée. Jusqu'à quand ? La soeur de Lauzun avait eu l'imprudence un soir de raccompagner Mademoiselle des Tuileries au Luxembourg. On l'avait remarqué.
    - Je vais parler à mon cousin, lui répondit-elle, coupant court à ses jérémiades.
    Cela ne lui faisait pas peur. La bravoure, elle connaissait. Elle s'installa à la porte de la chambre du roi, aux Tuileries, et n'en bougea plus. Louis joua très tard cette nuit-là et ne rentra qu'à deux heures du matin. La jalouse Marie-Thérèse, partant se coucher, lança venimeusement à Mademoiselle :
    — Il faut que vous ayez grand besoin du roi pour l'attendre si tard.
    Peu lui importait l'aigreur de la reine. Que n'aurait-elle pas supporté pour l'homme qu'elle aimait !
    Enfin, Louis parut.
    — Je viens redire à Votre Majesté mon intention d'épouser...
    Elle dut s'interrompre. Le roi se plaignait de vapeurs. À son habitude, il avait sans doute trop mangé, s'était goinfré de pois qu'il adorait et de gibier faisandé. Livide, il s'appuya à la porte. Elle le soutint de son mieux.
    Quand Louis fut assis et en état de l'entendre, Anne-Louisereprit son discours. Développant les termes de sa lettre, elle sut se faire écouter.
    - Je ne vous donnerai point de conseils, ma cousine. Je ne vous parlerai point de l'énorme différence de condition entre M. de Lauzun et vous-même, sans parler de la différence d'âge. Justement vous êtes en âge de voir ce qui vous est bon. Vous avez passé le temps où l'on agit à la légère.
    Elle frémit. Son âge, toujours ! Elle riposta avec assurance :
    — Mais, Sire, vous avez récemment permis à ma demi-sœur, petite-fille d'Henri IV et fille de Gaston d'Orléans comme moi, d'épouser un Guise, un noble lorrain, un étranger, puisque la Lorraine ne fait pas partie du royaume. Feriez-vous donc une différence entre un noble étranger et l'un de vos serviteurs ?
    — Laissez donc votre sœur, s'impatienta Louis. Et sachez que je ne vous fais aucune défense. Mais mon avis est que vous agissiez en secret. Beaucoup soupçonnent vos manigances. Mes ministres m'en ont parlé. Bien des gens n'aiment pas M. de Lauzun. Prenez là-dessus vos mesures.
    Anne-Louise reçut ce discours comme un consentement. Éperdue de reconnaissance, elle voulut baiser les mains de son cousin :
    — Si Votre Majesté est pour nous, qui sera contre nous ?
    Elle se voulait brave, mais elle tremblait que son projet n'aboutît pas. À la vérité, elle se sentait isolée. Lauzun prétendait qu'une intervention de sa part gâcherait tout. Il la poussait à mener seule le combat. De son côté, il n'avait qu'à attendre, il savait le poisson ferré.
    Au sortir des Tuileries, la nuit de décembre était glaciale, le ciel pur. Ces Tuileries, qu'elle avait si longtemps occupées, qu'elle aimait... Elle se rappela sa promenade auclair de lune, après le festin de bœuf, juste avant qu'on la jetât dehors. Elle ne s'était doutée de rien. Un coup de foudre. Et ensuite, son père qui la chassait de chez lui, son exil à Saint-Fargeau... Avait-elle été surprise et malheureuse !
    Cette nuit-là, elle n'eut pas un regard pour le paysage magnifique qu'illuminait la lune et, dans son carrosse, les mains enfouies dans son manchon de fourrure, le capuchon rabattu très bas sur le front, elle se força à réfléchir à sa situation.
    La mésalliance, voilà l'impossibilité que les opposants au mariage allaient brandir... Un gentilhomme comme il y en avait tant, et une princesse du sang, la plus riche, la plus noble.
    Tout à coup lui revint en mémoire sa conversation avec le maréchal de Luxembourg. Elle ne l'aimait guère, mais il lui donnait une idée. Il avait parlé de la noblesse française. Lauzun en faisait partie. Puisque Louis avait accepté le mariage de sa demi-sœur avec un noble étranger, il fallait soutenir qu'un gentilhomme français valait autant qu'un étranger. Il y allait de l'honneur de la noblesse de France.
    Pour les mettre dans son camp, elle devait catéchiser sans tarder trois ducs, des plus chatouilleux sur leur race, et des plus huppés. Quand son carrosse arriva au Luxembourg, elle avait mis au point

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