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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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ses esprits, ce fut pour déclarer à Mademoiselle :
    — Voilà une place vacante. Vous allez la remplir.
    Pâle comme la mort, Anne-Louise se tut. Elle, épouser Philippe, alors qu'elle était attachée si fort à Lauzun ?
    Elle s'aperçut vite que la cour ne parlait que de cela. Mazarin, pour rapprocher la France et l'Angleterre, avait conclu l'alliance de Philippe et d'Henriette. Maintenantque Louis était le maître, pourquoi ne rapprocherait-il pas son cadet devenu veuf de sa cousine ? En unissant les deux branches des Bourbons, il récupérerait les fameux millions. Cela se faisait souvent. Chez les rois et chez les riches.
    Anne-Louise fut au désespoir. Lauzun, drapé dans sa dignité, la fuyait à nouveau. Puisqu'on ne voulait pas de lui... Quoique les ordres du roi fussent pour lui sacrés, il supporterait très mal la soumission de Mademoiselle au monarque et son mariage avec Philippe. Elle le perdrait, c'était sûr, lui et les plaisirs qu'il dispensait.
    La manœuvre de Louis était cousue de fil blanc mais auréolée de non-dits. Philippe eut la maladresse de déclarer tout de go à Mademoiselle :
    — Je ne souhaite plus avoir d'enfants. Et vous, à votre âge... J'ai déjà une fille et je voudrais qu'elle épousât mon neveu le dauphin. Si nous nous marions, étant vous-même sans descendance, vous donnerez votre bien à ma fille. Je serai sûr alors qu'elle épousera le dauphin.
    — Ce que vous dites est monstrueux, répliqua-t-elle, le rouge aux joues. Jamais, en se mariant, on ne déclare souhaiter ne pas avoir d'enfants. Je ne suis point jeune, mais je peux en avoir encore. Quant à léguer mon bien au dauphin, pas besoin de me marier avec vous pour cela.
    Indignée, Anne-Louise le fut plus encore quand deux des mignons de Philippe virrent lui tenir un discours aussi intéressé que celui de leur maître.
    — Nous sommes heureux de ce mariage. Nous le désirons, car vous êtes plus riche qu'aucune princesse d'Europe. Nous-mêmes, nous y trouverons notre compte.
    Folle de rage, elle vint conter ces propos au roi. La reine Marie-Thérèse, qui pourtant n'aimait pas Mademoiselle, les jugea ridicules et traita de « vilain » son beau-frère. On ne se mariait pas dans ces conditions. Ce serait une honte !
    Louis cacha son embarras sous un rire hautain. De toute manière, le deuil de son frère était récent. Il fallait attendre.
    L'été durant, il fut d'ailleurs importuné par les scènes continuelles du marquis de Montespan, le mari de sa maîtresse. Le jaloux déblatérait partout contre sa femme et contre lui. Montespan arrivait sans prévenir, au Louvre ou à Saint-Germain, et criait comme un enragé. Il fit tant d'extravagances qu'il se vit menacé d'arrestation et ne dut sa liberté qu'à la fuite.
    À l'automne, on alla se divertir à Chambord. Anne-Louise aurait dû prendre plaisir aux comédies que l'on donnait chaque jour, au jeu ou à la chasse. Elle ne le put, tant la froideur continuelle de Lauzun lui pesait. Il exagérait.
    Le hasard le mit à la table où Mademoiselle jouait avec Mme de Montespan et Mlle de La Vallière. Des bijoux, selon l'habitude d'Anne-Louise, des montres ce soir-là. Il s'arrangea pour ne jamais la regarder.
    Elle voulut attirer son attention :
    — Un ruban de ma manchette s'est dénoué, lui dit-elle. Pouvez-vous le renouer ?
    — Je ne saurais, Mademoiselle. Je ne suis pas assez adroit pour cela.
    Et ce fut La Vallière qui rattacha la manchette de la princesse.
    Comment, se demandait-elle, ne s'aperçoit-on pas de son changement d'attitude, de son obstination à m'ignorer ?
    À la fin du séjour, elle se ménagea un entretien avec son cousin :
    — Il est temps, Sire, de renoncer à me faire épouser votre frère. Je l'honore comme je dois, mais je ne seraipas heureuse avec lui. Par mille raisons que Votre Majesté connaît. Je la supplie que l'on n'en parle plus.
    Louis sourit.
    — Voulez-vous que je lui dise que vous ne voulez point vous marier ?
    — Non, Sire, mais que je ne veux pas me marier avec lui. Que nous serons fort bien ensemble, cousins germains comme Dieu nous a fait naître. Simplement.
    — Je le lui dirai, répondit Louis. Il sera étonné, il boudera sûrement. Ne faites pas semblant de vous en apercevoir.
    Elle respira. Son cousin ne lui avait pas paru fâché. Pendant le déplacement de deux jours que la cour fit à Versailles, elle put rencontrer Lauzun chez la reine et lui raconta cette conversation, tout heureuse et

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