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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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jour de la résurrection, Il se souviendra. Et cherche en toi ce que tu as voulu ignorer. Revis ce que tu as vécu en aveugle. Eclectos te guidera. Il t’ouvrira les yeux.

 
     
4
    Tout à coup, j’ai eu peur de regarder en moi et de me souvenir.
    J’ai retardé mon départ pour Capoue.
    Je craignais d’y rencontrer ce vieillard, ce Grec dont Hyacinthe m’avait dit qu’il avait déjà quitté Rome.
    Si cet Eclectos m’obligeait à m’enfoncer dans mon passé, à explorer ce gouffre obscur peuplé de monstres, hanté de tous les êtres que j’avais vu et laissé mourir, que deviendrais-je ?
    Un chrétien ? Un martyr ?
    Et qu’avais-je à faire de cette foi-là, de cette mort-là ?
    Que m’importait cette « superstition exécrable », cette résurrection promise par Christos, ce Dieu supplicié comme un esclave ? Ce Dieu des païens, des impies qui rejetaient les divinités de Rome et attiraient ainsi sur l’Empire la peste, les guerres, les malheurs !
    Moi qui, depuis des mois, lisais et relisais les livres de mes ancêtres, Gaius Fuscus Salinator et Serenus, moi qui avais voulu comprendre les raisons de ce châtiment qui s’était abattu sur Rome avec le règne de Commode, je reculais, je ne voulais plus rien savoir.
    J’étais comme ces chevaux lancés au galop et qui, soudain, se cabrent devant le fossé à sauter, et plus rien ne peut les y contraindre.
    Je rejetais et le passé et le futur.
    Marc Aurèle me l’avait répété : seul existait l’instant présent, et même en ne vivant que celui-ci, encore ne fallait-il pas être dupe.
    Il avait écrit :
    « Au milieu de ces ténèbres, de cette fange, de ce flux si rapide de substance, du temps, du mouvement, de ce qui est en mouvement, est-il un seul objet à estimer à haut prix, un objet qui, d’une manière générale, mérite qu’on s’y intéresse ? Je n’en ai même pas l’idée. »
     
    Je me suis terré dans ma maison du Palatin proche du Palais impérial.
    Mon régisseur, Sélos, me rendait visite chaque nuit, attendant que tous les esclaves fussent endormis pour se glisser dans la chambre retirée où je vivais.
    Il m’apportait du vin, des cailles, des fruits frais, des amandes, des gâteaux au miel. Il me proposait une jeune vierge, et je murmurais ces propos de Marc Aurèle :
    « Méprise la chair, ce n’est que boue de sang, os, tissu de nerfs, de veines et d’artères. »
    Sélos maugréait. La vie, disait-il, était un don de Dieu. Il ne fallait pas la mépriser.
     
    J’avais affranchi, il y avait plusieurs années, ce Grec au corps noueux, aux cheveux bouclés déjà gris, qui m’accompagnait dans tous mes voyages.
    Il avait été avec moi à Lugdunum, s’était assis à mes côtés sur les gradins de l’amphithéâtre quand les condamnés aux bêtes et aux supplices avaient été poussés dans l’arène.
    J’avais senti qu’il était prêt à se lever et à quitter l’amphithéâtre, alors qu’autour de nous les spectateurs hurlaient leur joie, réclamaient d’autres tortures, et que j’entendais une voix lancer : « On est trop doux ! Il faut inventer des châtiments plus sévères ! Ces porcs et leurs truies sont la honte et la maladie de l’Empire ! »
    J’avais posé ma main sur le genou de Sélos pour qu’il demeure en place. Je savais qu’une foule n’accepte pas de laisser vivre celui qui ne se comporte pas comme elle.
    Or, sur les gradins d’un amphithéâtre, l’homme du tempérament le plus doux devient un tigre fou.
     
    Ainsi, me remémorant tout cela, dans cette pièce sombre de ma maison du Palatin, je ne m’éloignais pas de ce gouffre creusé en moi.
    J’en avais la gorge serrée et me contentais de grignoter quelques amandes, ignorant le vin et les autres mets.
     
    Sélos me rapportait ce qu’il avait appris ou vu.
    Les délateurs se faisaient de plus en plus nombreux, disait-il.
    Les prétoriens arrêtaient aussitôt ceux qu’ils dénonçaient. Et Commode jouait avec ces prisonniers au médecin : il les saignait à mort à coups de bistouri, puis restait hébété, comme un ivrogne, à contempler ces corps qu’il avait tailladés, crevés, vidés.
    Je sentais que Sélos m’observait, attendait que je m’indigne.
    Je ne voulais que murmurer ce que Marc Aurèle m’avait appris :
    « Quitter le monde des hommes, s’il y a des dieux, n’a rien de terrible ; ceux-ci ne sauraient te plonger dans le malheur. S’ils n’existent pas ou ne se soucient

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