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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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monde. Mes frères et mes sœurs ont eu la meilleure part.
    Je n’aimais ni le ton de sa voix, ni la lenteur avec laquelle il s’exprimait. Il m’a semblé n’être qu’un acteur récitant sa harangue en prenant le visage et l’attitude qui convenaient.
    Ce n’était qu’un histrion qui jouait au grand prêtre.
    Naturellement, on applaudissait à ses roueries, à ses mensonges.
    Je m’irritais de voir Sélos le regarder avec des yeux de chien soumis.
    Je ne supportais pas que Doma, ma concubine, ma compagne de chaque nuit, celle que j’avais affranchie, dont j’espérais parfois qu’elle serait la mère du fils dont il m’arrivait de rêver, se tînt aux côtés d’Eclectos, admirative et apaisée, radieuse même.
    Je n’acceptais pas qu’il la pervertît, en faisant d’elle l’une de ces croyantes en Christos qu’il appelait ses sœurs.
    Je ne voulais pas qu’elle devînt Marcia, une putain qui refusait de s’incliner devant les dieux de Rome.
    J’ai lancé avec mépris à Eclectos :
    — Il est toujours facile de mourir. Tu peux rejoindre ton Dieu quand tu veux. Il suffit d’un poignard et d’un peu de courage pour s’ouvrir les veines. Au besoin, je puis te faire aider : nous avons ici des bouchers qui s’y entendent pour trancher gorges et poignets.
    Puis je me suis tourné vers Doma, et d’un geste de maître, lui ai demandé de quitter la cour, de regagner le bâtiment des esclaves d’où je l’avais sortie : puisqu’elle choisissait elle aussi, comme Sélos, de croire en ce Christos, eh bien, qu’elle retrouve la paille et la boue des logements d’esclaves, proches de la porcherie ! Je l’en tirerais les nuits où l’envie me prendrait d’elle.
    — Retourne avec les truies !, ai-je crié.
    Elle a hésité, tout à coup désemparée, n’osant me répondre, implorant Eclectos du regard.
    Il a posé sa main sur l’épaule de Doma. Ce geste, comme une prise de possession, m’a révulsé. La colère m’a envahi. J’ai hurlé que si elle ne m’obéissait pas, dans l’instant, elle subirait le sort des esclaves qui se rebellent. Flagellation ! Crucifixion !
    Le Grec s’est penché vers elle. J’ai deviné que, d’une pression de la main, il l’invitait à se soumettre.
    Puis il a dit, tourné vers moi :
    — Que chacun demeure dans la condition où il était quand Dieu l’a appelé, telle est notre règle. Tu étais chevalier, noble, magistrat de Rome ? Reste-le ! Tu étais esclave ? Ne porte point cet état avec peine. Et celui qui est empereur, si un jour il reconnaît Dieu l’Unique, qu’il garde sa puissance et se montre cependant humble comme le plus démuni des habitants de son empire.
    J’ai ricané. Il a répliqué dans un murmure en s’approchant de moi :
    — Comment peux-tu nous juger, Priscus. Tu ne sais rien de nous. Veux-tu voir et entendre ?
    J’ai reculé d’un pas. Eclectos souriait en me tendant les deux mains.
    J’ai serré les mâchoires pour éviter que jaillisse de ma bouche, avec la force d’un torrent, ces mots que je voulais étouffer mais qui montaient en moi : « Oui, Eclectos, apprends-moi à voir et à entendre ! »
    — Je vais te raconter, a-t-il dit comme s’il avait perçu les mots que je n’avais pas prononcés.

 
     
     
     
     
DEUXIÈME PARTIE

 
     
6
    Il a parlé et les heures se sont succédé si vite que la nuit m’a surpris comme la mort lorsqu’elle saisit l’humain.
    — Je suis un vieil homme, a commencé Eclectos. Si Dieu me laisse en ce monde alors qu’il a rappelé près de Lui tant de mes frères et sœurs, c’est pour que je parle à des hommes comme toi, Julius Priscus, que je les retienne au bord du gouffre.
    Il a tendu le bras, m’a effleuré la main et j’ai frissonné.
     
    Nous étions assis l’un près de l’autre sous le portique, dans la cour intérieure de ma demeure.
    Eclectos se tenait droit, adossé à une colonne de porphyre. Il souriait et me regardait fixement, semblant pourtant ne pas me voir et chercher à discerner quelque chose au-delà de moi, derrière le mur.
    J’avais eu plusieurs fois déjà la tentation de me retourner pour tenter de deviner ce qu’il regardait. Je n’avais pas osé.
    — Je viens d’Orient, a-t-il poursuivi. J’ai vécu dans les provinces de Bithynie et du Pont, dans celle d’Asie, en Phrygie, comme cette jeune affranchie. Tu l’appelles Doma, n’est-ce pas ? Tu l’as menacée, punie, traitée comme si ce n’était

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