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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qu’une truie.
    Il a cessé de sourire. Il paraissait souffrir, des rides creusant ses joues, les yeux soudainement voilés comme s’il allait pleurer.
    — Tu as employé ce mot. D’une personne, créature de Dieu, tu as nié l’humanité. Ainsi, tu caresses une truie, tu la mets dans ton lit ? Qui es-tu pour accepter cela ? Un homme ou un porc ? Serais-tu de la même espèce que l’empereur Commode ? Veux-tu que les bêtes régnent sur le genre humain ? Crois-tu que Dieu nous a faits hommes pour que nous nous conduisions ainsi, pour que nous traitions nos semblables en animaux ?
    Il s’est penché vers moi.
    — Respecte la volonté de Dieu, Priscus. Respecte-toi en respectant les autres !
    Je restais immobile et avais cependant l’impression de me débattre pour essayer d’échapper à l’étreinte de ce Dieu que je ne reconnaissais pas mais dont Eclectos m’enveloppait, m’enlaçait, dont je ne parvenais pas à me dégager.
    — Que crains-tu ?, poursuivait-t-il. Tu as peur que Doma devienne chrétienne ? En quoi cela te menace-t-il ? Ceux qui croient au Dieu unique pratiquent la bonté. Ils sont les disciples de Christos qui a pardonné à ceux qui l’ont fait souffrir. Tu as peur de la perdre ? Mais si tu ne cherches qu’une truie, tu trouveras à la remplacer avant la fin du jour. Demande à Sélos : il fera défiler devant toi le troupeau des jeunes esclaves de ta maison et tu choisiras celle qui te plaira, comme un boucher tâte le corps du mouton et prend le plus gras, celui dont la chair est aussi la plus ferme.
    Il avait à nouveau souri.
    — Mais peut-être veux-tu presque malgré toi une personne, et non pas seulement un corps. Peut-être Dieu est-Il déjà en toi et vois-tu en chaque humain l’image de Christos ?
    Je me reculais. Je me reprochais de l’écouter sans m’insurger. Cette passivité, la fascination qu’il exerçait sur moi m’étonnaient.
    Était-ce à cause de sa voix égale qui m’apaisait, ou de l’expression bienveillante et émue de son visage, ou bien de la fragilité de son corps si maigre, de l’énergie qui cependant en émanait, ou peut-être encore de tout son savoir accumulé ?
    Il avait tant vécu.
     
    Il avait été un homme encore jeune au temps de l’empereur Trajan et avait dû fuir la province de Bithynie, puis la Phrygie et se réfugier en Gaule, à Lugdunum, pour échapper aux persécutions qui frappaient les chrétiens.
    — Cela t’étonne ?, a-t-il murmuré en baissant la tête, comme gêné d’avoir à parler de sa vie, des tortures qu’il avait subies, de la mort qu’il avait frôlée, de son obstination à répéter qu’il était un disciple de Christos – «  Christianus sum , je suis chrétien ».
     
    J’avais lu Tacite et Suétone. Honteux malgré moi, je lui confiai à mi-voix que je n’avais guère été ému de lire sous leur plume que les chrétiens étaient les adeptes d’une « superstition nouvelle et malfaisante ».
    « Le mal a pris naissance en Judée, écrivait Tacite, mais il se répand ailleurs, dans la province d’Asie, en Phrygie, en Bithynie et aussi à Rome où tout ce qu’il y a d’affreux et de pervers dans le monde afflue et trouve une nombreuse clientèle. »
    — Suétone et Tacite parlent du temps de Néron, dit Eclectos. Et sans doute imagines-tu que c’est sous le règne de cet Antéchrist, sous le gouvernement de la Bête, que les persécutions ont été les plus féroces. Eh bien non, Priscus ! Tes bons empereurs – Trajan le Juste, Hadrien le Grand, Antonin le Pieux, et ton modèle, Marc Aurèle le Sage et le Philosophe – ont été les plus grands persécuteurs. Parmi eux, Trajan a été le premier. Néron agissait au gré de ses accès de folie. Trajan a forgé les lois qui nous condamnaient au supplice.
    Il a levé les yeux vers le ciel.
    — Dieu n’a pas voulu m’accorder le privilège du martyre. Mais tu dois savoir ce qui a eu lieu lorsque Trajan le persécuteur était empereur du genre humain.
    En Bithynie et dans la province du Pont, Trajan avait nommé légat impérial, Pline le Jeune, un homme talentueux, plus écrivain que magistrat.
    — Tu peux être rhéteur, poète, et demeurer aussi insensible à la souffrance, à la foi, à la vérité que la lame d’un glaive, a commenté Eclectos.
    Il a fermé les yeux.
    — Nous étions quelques-uns à croire en Christos. Nous représentions la semence qui annonçait le temps des moissons. On nous

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