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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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réveillais, qui se courbait devant moi, que j’écartais d’un geste brusque.
    Je pensais à Doma. Je l’imaginais couchée dans l’un de ces bouges où s’entassaient quatre ou cinq esclaves dans la promiscuité des bêtes. J’en voulais au Grec d’être la cause de ma colère contre Doma. Je regrettais de l’avoir chassée de ma chambre, renvoyée dans le bâtiment aux esclaves.
    J’enrageais : « Maudite soit cette secte nouvelle et infâme, cette superstition barbare qui prétend que son Dieu a ressuscité, et qui dispense cet espoir à ses fidèles ! Si je tranche la gorge d’Eclectos, qui pourra croire que sa plaie se refermera et qu’il renaîtra comme s’il n’avait perdu aucune goutte de sang ? »
     
    Cette nuit-là, j’étais si perturbé et emporté contre moi que j’ai songé à égorger ce devin, ce magicien, cet astrologue qui avait lancé sur moi ses mots comme ces filets avec lesquels on capture les fauves.
    J’étais ce fauve-là. J’avais chassé aux confins du désert, en Égypte et en Judée, et je pouvais imaginer les esclaves avançant, torches à la main, battant du tambour et des cymbales pour affoler, paralyser, empêcher leur proie de fuir.
    Et à la fin, quand elle serait empêtrée dans les mailles de ce piège, ils la jetteraient dans leur propre cage.
    Tel était le projet d’Eclectos : il voulait faire de moi un de ses captifs, un adepte de sa secte.
    Mais je n’étais pas un esclave comme l’avaient été Doma et Sélos, ni une putain comme Marcia !
    J’étais Julius Priscus, citoyen de Rome, chevalier qui avait servi les empereurs Hadrien le Grand, Antonin le Pieux, Marc Aurèle le Sage, et qui souffrait de finir sa vie sous le règne de Commode le Fou.
     
    Je suis entré dans ma bibliothèque.
    Les deux lampes placées de part et d’autre de la statue de Marc Aurèle éclairaient faiblement la pièce. Je me suis immobilisé devant la sculpture.
    J’ai invoqué les divinités éternelles de Rome, tous ces dieux venus des provinces de la République, puis de l’Empire, dont on célébrait le culte dans les temples romains. Car nous voulions non seulement faire entrer cent peuples dans l’Empire, mais aussi honorer leurs dieux.
    Comment donc accepter un Dieu qui se prétendait unique, que ce fut celui des Juifs ou celui de leurs bâtards, les disciples de Christos ?
    Ceux-là, issus de la même lignée, restaient à l’écart. Ils étaient le poison, l’infâme superstition qui ébranlaient l’ordre des dieux de Rome.
    Titus avait détruit le Temple de Jérusalem. Tâche rude mais facile. Mais comment saisir ces grains dispersés et cachés, tous ces chrétiens qui se pliaient aux lois hormis à celle qui les obligeait à célébrer le culte des divinités et de l’empereur ?
     
    Je me suis incliné devant la statue de Marc Aurèle. Il m’a semblé entendre sa voix me répéter :
    « Tu reconnais enfin, Julius Priscus, après tant d’erreurs, que tu n’as pu nulle part trouver le bonheur : ni dans la rhétorique, ni dans la richesse, ni dans la gloire, ni dans la jouissance. Nulle part, Priscus ! Où se trouve-t-il donc ? À faire ce que réclame la nature de l’homme ! »
    J’ai eu un geste de colère, la tentation de renverser la statue et de disperser les offrandes, le blé et la jarre de vin !
    Pour la première fois, j’avais le sentiment que ces mots entendus si souvent, prononcés avec gravité par Marc Aurèle, résonnaient comme une outre vide.
    Atteindre le bonheur en faisant ce que réclame la nature de l’homme ? Et si elle me pousse à tuer ? À prendre contre moi le corps d’une jeune esclave afin de le plier à tous mes désirs ?
    N’était-ce pas ce que faisait aussi Commode ?
    J’ai quitté la bibliothèque. J’ai marché vers le bâtiment aux esclaves. Les chiens ont aboyé, puis sont venus me frôler.
    J’ai marché sur des pavés glissants, couverts de fange, de fientes et de détritus. Je me suis enfoncé dans des ornières. La boue a rejailli sur mes jambes et ma tunique.
    Ici grouillaient la vermine, les bêtes, les esclaves.
    J’ai aperçu des lueurs dans une étroite cour qu’encadraient les bâtiments, ces grosses masses sombres d’où s’échappaient des soupirs, des râles de plaisir.
    Des corps s’accouplaient dans la nuit et j’ai envié le désir qui les unissait alors que j’étais devenu une terre aride où ne coulait plus le flot impétueux de la passion.
     
    J’ai deviné dans

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