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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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la cour des corps assis à même le sol, épaule contre épaule. Des lampes à huile, des torches avaient été posées ou fichées dans le sol tout autour du cercle que formaient la dizaine d’individus rassemblés là.
    Eclectos se tenait au centre. Il avait les bras levés, la tête baissée, le menton calé contre la poitrine. Je suis resté à l’entrée de la cour, écoutant la mélopée qui s’élevait, dont les accents m’enveloppaient.
    Ce chant était lui aussi comme les mots d’Eclectos : un filet qu’on lançait sur moi et qui m’entravait. Il me fallait le déchirer avant d’être immobilisé, capturé. J’ai fait quelques pas en avant.
    Ils m’ont entendu et plusieurs d’entre eux se sont tournés vers moi.
    J’ai reconnu Doma et Sélos, mes affranchis, ainsi que plusieurs esclaves.
    Leur visage apaisé et souriant m’a révolté.
    Ils n’avaient plus peur de moi. Je n’étais plus leur maître.
    Ils imaginaient peut-être que j’allais m’agenouiller parmi eux et prier avec Eclectos, chanter, louer Christos ?
    Je me suis avancé. J’ai empoigné Doma par les cheveux, la forçant à se redresser. Je l’ai tirée vers moi.
    Eclectos a levé la tête.
    — Qui es-tu, Priscus, a-t-il dit d’une voix calme. Homme ou criminel ?
    J’ai continué d’entraîner Doma comme on fait d’une proie, d’un gibier qu’on vient de capturer et que déjà, la salive emplissant la bouche, on s’imagine savourer.

 
     
8
    Cette nuit-là, j’avais de mon côté la force et le droit, puisque Doma était ma propriété, mon affranchie, ma concubine.
    Elle ne s’était à aucun moment débattue. Elle ne m’avait pas imploré. Elle n’avait pas geint alors que je la tirais par les cheveux à les arracher.
    Personne parmi ceux qui étaient assis près d’elle dans la cour n’avait eu un geste pour m’empêcher d’agir.
    J’en avais éprouvé un sentiment d’orgueil et de toute-puissance.
    J’étais toujours Julius Priscus, citoyen romain, et leur maître. Leur Christos n’y pouvait rien. C’était un dieu esclave pour les esclaves, pour les Grecs et autres peuples que nos légions avaient vaincus.
     
    Je m’étais arrêté sur le seuil de la cour en considérant Eclectos avec mépris.
    J’avais contraint Doma à s’agenouiller, pesant sur sa nuque sans pour autant lâcher ses mèches que j’avais empoignées.
    Elle avait obéi et je n’avais lu dans ses yeux aucune révolte, mais l’acceptation de ce que je lui imposais.
    Elle était bien mon esclave affranchie, mon animal parlant. Qu’elle fût disciple de Christos n’y changeait rien.
    Quoi qu’en pensât Eclectos, j’étais homme parce que j’étais libre citoyen de Rome, et eux, comme les Juifs, malgré leur Dieu unique, valaient moins que des bêtes.
    J’ai pensé cela. J’ai même été tenté, pour affirmer ma légitime domination, d’exiger de Sélos qu’il fouette Doma, ici, dans cette cour, pour mon plaisir et pour la punir d’avoir parlé, sans que je l’y aie autorisée, à Eclectos.
    J’étais sûr que Sélos exécuterait mes ordres.
    — Je suis homme parce que je suis le maître romain, ai-je lancé à Eclectos en quittant la cour.
    Il n’a pas répondu, mais, levant la tête, il s’est remis à psalmodier, et tous autour de lui ont répété ses prières, cette mélopée, avec, m’a-t-il semblé, encore plus de ferveur.
     
    Je les ai méprisés pour dissimuler ainsi leur lâcheté, leur soumission. Leur superstition était bien celle d’esclaves. Leur Christos n’était qu’un vaincu. Un homme flagellé, insulté, condamné, crucifié, pouvait-il être Dieu ou fils de Dieu ?
    Et la résurrection , ce mot qui me faisait trembler, n’était qu’une fable pour consoler de leur soumission, de leur destin servile, ces hommes sans courage et sans gloire.
    J’ai aussi pensé cela.
    Et même à revenir sur mes pas, à immoler Doma, à jeter son corps au milieu de ses frères et sœurs, et à leur crier : « Qu’elle ressuscite, puisque telle est votre croyance ! »
    Ce n’a été qu’une tentation.
     
    Je me suis donc éloigné, traînant et poussant Doma.
    À chaque fois que ma main touchait sa peau, effleurait ses seins, mon désir devenait plus âpre. C’était comme si j’avais eu envie de la blesser, de la mordre, comme si la fureur de la posséder se fut emparée de mon corps.
    J’avais hâte d’atteindre ma chambre, de la renverser sur le lit et d’assouvir ma faim de son jeune

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