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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vasques de fruits, de cruches de vin, de plats de viande et de fromage.
    Doma a cessé de prier et le silence m’a oppressé. J’ai chassé les esclaves et murmuré, penché vers Doma :
    « Prie pour moi. »
    Elle s’est levée, approchée. Elle a pris ma tête entre ses mains et l’a appuyée contre son ventre.
    Là, le sang de la vie battait. Sa cadence sourde et profonde m’envahit.
    « Je prie, Maître, je prie. »
    Son murmure à nouveau m’a recouvert comme une eau miraculeuse.

 
     
10
    La nuit s’était enfin ouverte sur le jour et la lumière m’avait réveillé, ébloui.
    J’étais seul, allongé sur mon lit.
    Je ne me souvenais pas de m’être dévêtu, et cependant j’étais nu.
    J’ai eu honte de m’être laissé engloutir dans le gouffre noir du sommeil.
    J’ai imaginé Doma me repoussant, me faisant glisser sur le lit tout en me soutenant, ouvrant ma tunique, passant ses bras sous mon dos pour me faire basculer afin de pouvoir me la retirer.
    J’avais dû soupirer, peut-être geindre. J’avais été aussi dépendant, aussi impuissant qu’un enfant ou un vieillard.
    Pour moi elle avait été mère et fille, et j’ai eu envie de crier, de pleurer pour qu’elle s’approche à nouveau, pose ses mains sur ma nuque, presse mon visage, ma bouche contre son ventre, me redonne à entendre cette pulsation, ce sang qui battait en elle, dont j’avais eu l’impression qu’il entrait en moi, qu’il m’irriguait, m’apaisait, me berçait.
    Je m’étais endormi ainsi.
    Elle avait disposé de moi. Elle aurait pu me tuer. Elle m’avait vu désarmé. Elle avait mesuré mon désarroi, mon émotion, ma faiblesse.
    J’étais pourtant son maître par la force et le droit.
    Je l’avais achetée en jetant quelques pièces à un marchand d’esclaves de Lugdunum après qu’il m’eut vanté cette jeune vierge, une Phrygienne.
    « Elles sont toutes filles de Cybèle, m’avait-il dit. Expertes et rouées dès qu’elles sont nées. Regarde celle-ci ! »
    Il avait écarté les cuisses de l’esclave, enfoncé ses doigts dans la vulve. Il m’avait invité à l’imiter pour constater que personne ne l’avait déflorée. Puis il avait glissé son majeur dans la bouche de la jeune fille, lui retroussant les lèvres, me montrant qu’elle avait une dentition complète et régulière.
    Je n’avais pas discuté le prix et avais signifié à Sélos qu’il prît soin d’elle.
     
    Elle était en effet vierge et âpre comme un citron vert ou une orange amère.
    J’avais aimé cela, moi, le Maître par la force et le droit. Et j’avais fait d’elle, que j’avais nommée Doma, ma concubine.
    Puis je l’avais affranchie.
    Mais je venais, cette nuit, de me livrer à elle.
     
    J’avais voulu qu’elle fut docile comme une chienne craintive. Et c’est moi qui avais geint, qu’elle avait dominé.
    Elle avait été ma maîtresse, et moi, aussi servile qu’un esclave domestique. J’avais accepté qu’elle prie son Dieu, et son murmure m’avait apaisé.
    Elle était peut-être l’une de ces magiciennes, de ces empoisonneuses, de ces prêtresses des religions d’Orient qui, par leur regard, les mouvements de leurs bras, leurs déhanchements, les mixtures versées dans le vin qu’elles offrent, la puissance des divinités qu’elles invoquent et servent, font de tous ceux qui les approchent des esclaves ?
    Elle m’avait vu à genoux devant elle. Peut-être m’avait-elle fait boire ?
    Je me souvenais que trois esclaves avaient apporté des cruches, des fruits, du miel, de la viande, du fromage, mais ces coupelles, ces verres, ces vasques, ces plats avaient disparu.
    Sur la table basse que j’apercevais dans la partie encore plongée dans la pénombre de ma chambre, je ne voyais que mes vêtements, ma tunique pliés.
    Doma avait dû appeler les esclaves pour qu’ils emportassent les victuailles et le vin.
    Eux aussi m’avaient vu nu, et c’était elle qui avait donné les ordres, elle qui régnait, et moi qui n’étais plus qu’un maître sans défense.
    Un Romain pouvait-il laisser vivre des esclaves, et, parmi eux, une concubine, fût-elle affranchie, qui avaient découvert la faiblesse, l’impuissance de leur maître ?
    Un chien qui a compris qu’il peut sauter à la gorge d’un homme, le renverser, ses deux pattes lui griffant le torse et les épaules, est une bête qu’il faut tenir enchaînée ou abattre, ou bien employer à chasser les esclaves en fuite.
    Que devais-je

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