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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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corps.
    Jamais celui-ci ne m’avait lassé. Il avait ranimé le mien, me donnant l’illusion que j’étais encore à l’âge viril.
    Animé par cette impatience, j’ai traversé les pièces de ma demeure, bousculant les esclaves qui s’écartaient, effrayés, ou bien se précipitaient pour me précéder, m’éclairer, ouvrir les portes.
    En entrant dans ma chambre, j’ai crié que je voulais du vin – du vin grec de Lesbos et de l’italien de Falerne. Qu’on apportât aussi de la viande et des fromages, des fruits et du miel.
    Voilà ce que réclamait ma nature d’homme.
     
    J’ai ordonné à Doma de se dévêtir. Elle n’a pas bougé, debout près du lit. Je me suis approché. J’ai répété ce que j’attendais d’elle. Elle était à moi ; elle devait se montrer obéissante, soumise comme une chienne.
    — Tu n’es que cela.
    J’ai serré mes doigts sur sa nuque pour la contraindre à ployer la tête, à cesser de chercher mes yeux de son regard doux et triste, mais résolu.
    Je l’ai prise par les épaules, l’ai secouée, ai menacé de la livrer à la justice comme chrétienne. Elle serait torturée à moins qu’elle ne renonce à sa superstition et ne supplie les divinités, l’empereur-dieu. Je la dénoncerais aussi comme une affranchie qui refusait de servir celui qui restait son maître. Je l’accuserais d’impiété et de rébellion. Elle n’échapperait pas au supplice.
    Soudain, elle a posé ses mains sur mes épaules.
    Elle était plus petite que moi, si bien qu’elle devait lever la tête pour me regarder.
    J’en fus si surpris et troublé, sentant aussi ses seins contre ma poitrine, que je ne l’ai ni repoussée ni renversée sur le lit comme j’en avais eu l’intention.
    — Tu es malheureux, Maître, a-t-elle murmuré. Ce n’est pas toi qui agis, qui me tires les cheveux, qui veux que je ne sois qu’une bête ; c’est ton malheur, ta souffrance. Tu crois les chasser de toi en les lâchant contre moi. Tu n’en seras que plus malheureux encore.
    Ses mains ont glissé sur ma poitrine. Il m’a semblé que je sentais son sang battre au bout de ses doigts ; c’était comme s’il se mêlait au mien.
    — Exprime le meilleur de ce que tu es, Maître, a-t-elle murmuré. Sois la douceur de l’homme, et non la colère de l’animal.
    J’ai commencé malgré moi à trembler. L’émotion m’empoignait, me serrait la gorge.
    C’était comme si un vent tournoyant m’emportait, soufflant dans des directions opposées, mais à chaque fois me ployant, m’entraînant dans la violence, la colère, le mépris, ou, au contraire, m’insufflant le désir d’être un de ces hommes qui priaient ce Dieu de faiblesse et de souffrance.
    J’étais fendu par le mitan.
    — Je prie Christos pour toi, a dit Doma. Nous prions tous pour toi, Eclectos nous l’a demandé.
    Je me suis caché le visage dans mes paumes.
    J’ai demandé à Doma de s’éloigner, de rejoindre la chambre que je lui avais attribuée, non loin de la mienne, et non de retourner parmi les esclaves.
    — Je reste avec toi, a-t-elle répondu.

 
     
9
    J’avais froid comme si j’avais été nu, le corps fouetté par un vent glacial.
    Je me sentais démuni alors que j’avais cru posséder et la force et le droit de soumettre le corps de Doma, d’en disposer à ma guise, de l’humilier, de la battre, de la violer.
    J’avais cru être le Maître.
    Et, soudain, ce filet qui m’avait emprisonné, le murmure de sa prière qui me liait et me bouleversait tout à la fois.
    Et j’étais là, assis sur le rebord du lit, cachant mon visage, comprimant mes yeux avec mes paumes pour tenter de contenir les larmes qui en coulaient et me couvraient de honte.
    Je ne voulais pas que Doma les vît.
    Elle était en face de moi, agenouillée, les doigts croisés devant ses lèvres, et sa voix, sa prière étaient comme une eau bienfaisante quand on a soif.
     
    Ma gorge était aussi sèche que ce jour où, chevauchant à la tête de la X e légion, je m’étais engagé dans un défilé, me heurtant après plusieurs heures de route à une falaise infranchissable. Derrière nous, l’armée des Quades, que nous poursuivions depuis les rives du Danube, était brusquement apparue, nous fermant toute issue, contrôlant les crêtes, faisant dévaler sur nous des blocs de roche, empoisonnant ou bouchant toutes les sources.
    Et la soif nous étouffait.
    Tout à coup, ç’avait été l’orage, la foudre avait éclaté

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