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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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bien mais, dans la vie, trois actes suffisent pour faire la pièce entière. Celui qui marque la fin est celui qui, après avoir été cause de la combinaison des éléments, est maintenant cause de leur dissolution ; tu n’es pour rien ni dans l’un ni dans l’autre de ces faits.
    « Pars donc content, car celui qui te congédie est sans colère. »
     
    Je savais jouer le dernier acte de ma vie.
    J’allais être congédié.
    Et j’ai voulu revivre la pièce entière.
    Je l’avais interprétée comme un aveugle qui tâtonne, qui renverse des objets, bouscule des êtres sans savoir qui ils sont. Et peut-être en brise-t-il certains.
    Mais il continue d’avancer sans mesurer le chemin qui lui reste à parcourir, ignorant ce qu’il laisse derrière lui et aussi ce qui s’annonce.
    Il me semblait qu’enfin j’avais ouvert les yeux, que je devais me retourner, connaître ce que j’avais vécu.
    Peut-être d’ailleurs ne pouvait-on comprendre sa vie et l’ordre du monde qu’à l’instant où l’on s’apprêtait à disparaître, et l’on voyait alors, comme d’un sommet enfin atteint, tout le paysage et ce qu’on avait accompli, les visages croisés, les passions éprouvées, les douleurs et les ruines provoquées.
    L’on pouvait nommer, ordonner ce qu’on avait à peine effleuré du bout des doigts, les yeux mi-clos, et ce qu’on avait piétiné, ignoré.
    Il était temps pour moi de tout voir, parce que j’arrivais au bout du monde, au terme de ma vie ; si je comprenais ce que j’avais vécu, je saurais ce qui m’attendait.
    « Quoi, s’était exclamé Marc Aurèle, la lumière d’une lampe brille jusqu’au moment où elle s’éteint, et ne perd rien de son éclat, et la Vérité, la Justice, la Tempérance qui sont en toi s’éteindraient avec toi ? »
    Il avait répondu en sage qui se soumet à l’échéance naturelle et ne veut être rassuré par aucune illusion, aucune superstition, aucune croyance.
    Eclectos, lui, puisait dans sa foi la certitude de l’espérance en la résurrection. La mort n’était plus qu’un passage vers lequel il se hâtait.
    Et moi ? Qu’allais-je répondre à la question de Marc Aurèle ?
    J’oscillais, j’étais divisé.
    Il me fallait ouvrir ma vie, fouiller dans ses entrailles.
     
    « Ose te souvenir », m’avait dit Eclectos.
    J’ai relevé le défi.
    J’ai écrit pour comprendre ma vie, la retenir alors qu’elle s’éloignait déjà. Et savoir ainsi si je me trouvais du côté du désespoir ou de l’espérance.

 
     
29
    C’était le premier jour du mois de mars, il y avait vingt-deux ans.
    Je vivais à Rome aux côtés de Marc Aurèle, fils adoptif de l’empereur Antonin le Pieux et son successeur désigné.
    J’étais son aîné de quatre ans, mais je le considérais comme mon maître, non pas seulement parce qu’il était destiné à devenir l’empereur du genre humain mais parce que, dès l’adolescence, j’avais admiré son savoir et sa sagesse.
    Je l’écoutais avec attention et respect, mais j’étais plus sensible à sa voix grave et voilée qu’aux mots qu’elle portait.
    Ce n’est qu’aujourd’hui, relisant le livre où sont rassemblées ses Pensées , que j’apprécie la chair et le suc de ce qu’il me disait.
    « Agis, parle et pense comme si maintenant tu pouvais cesser de vivre », me répétait-il en ce premier jour de mars alors que nous venions d’apprendre que l’empereur Antonin, qui résidait sans sa propriété de Lori, ne s’était pas levé.
    Antonin s’était tourné de côté comme s’il avait voulu cacher son visage aux traits creusés par la souffrance. Il avait plusieurs fois étouffé des gémissements, mais son corps s’était recroquevillé. Il avait serré les poings, les écrasant contre sa bouche, avait replié ses jambes, ses coudes touchant ses cuisses, comme s’il avait voulu, ainsi roulé en boule, donner moins de prise à la douleur.
    Mais, dans sa chambre, ses médecins, ses tribuns, ses prétoriens, ses esclaves avaient pensé que la mort était entrée en lui et qu’elle allait le vaincre, parce qu’il avait soixante-quatorze ans et qu’elle était semblable à l’empire des Parthes. On pouvait le contenir – et Antonin le Pieux l’avait fait sur la frontière d’Arménie –, mais on ne pouvait le terrasser.
     
    Le tribun Poilus Maximus nous avait rapporté cette nouvelle et annoncé qu’Antonin le Pieux avait ordonné qu’on plaçât la statue

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