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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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voulu lui transmettre comme s’il évaluait la place qu’elle occupait en lui. Et il m’interrogeait du regard. Était-il honnête, généreux, assez méfiant vis-à-vis de tout ce que racontaient les faiseurs de prodiges, les charlatans ?
    Je le rassurais. Je connaissais son scepticisme. Il se prêtait aux rituels, il écoutait les oracles pour ne pas heurter les sentiments des Romains plutôt que pour ajouter foi aux prêtres et aux devins.
    Il évoquait ses maîtres : Junius Rusticus, qui avait insisté sur la nécessité de réformer son caractère, de ne pas se laisser entraîner par les passions ; le philosophe Apollonius de Tyane qui avait mis en exergue la liberté, le respect, en toute circonstance, de la raison, le calme et la sérénité nécessaires, l’indispensable persistance dans les décisions prises après réflexion, l’absence de toute vanité envers les prétendus honneurs.
    Il a continué ainsi longtemps, disant qu’il se sentait le débiteur de tous ceux qui l’avaient guidé, et devait se montrer digne d’eux.
    Puis il s’est immobilisé, semblant défier la statue et, détachant chaque mot comme pour se convaincre de l’importance et de la gravité de ce qu’il énonçait, il a dit :
    « Ils m’ont appris aussi jusqu’où vont la méchanceté, la ruse et l’hypocrisie des tyrans, et combien ce qu’on appelle chez nous les patriciens manquent par trop de cœur. »
    Puis il s’est approché de moi, m’a longuement regardé, mais la fixité de ses yeux m’a révélé qu’il ne me voyait pas. Je n’étais pour lui qu’une sorte de prétexte, le moyen de faire ricocher sa pensée afin qu’elle entrât en lui, jusqu’à le labourer.
     
    Aujourd’hui, ayant retrouvé ses écrits, je puis reconstituer mot à mot la résolution qui naissait de son silence et de sa méditation, son visage ridé si proche du mien :
    « À toute heure du jour, songe gravement, comme Romain et comme homme, à faire ce qui t’incombe avec le sérieux d’un homme exact et simple, avec tendresse aussi, et libéralité, avec justice, enfin, en donnant congé à toutes les autres pensées. Dépouille chacun de tes actes, qui pourrait être le dernier de ta vie, de toute vanité, de toute passion qui l’écarterait de la droite raison, de toute feinte, de tout mécontentement contre la part que t’a attribuée le sort. »
    Il s’est enfin éloigné, me demandant de l’accompagner au Sénat. Il devait prêter serment devant ces patriciens dont il connaissait l’égoïsme et la fatuité, l’avidité et la lâcheté.
     
    J’ai frissonné en voyant leurs visages, leurs yeux étincelant comme des lames, imaginant sous leur toge les poignards qui avaient assassiné César.
    Mais leurs voix étaient unanimes pour louer la piété, la clémence, l’intelligence et la droiture d’Antonin le Pieux auquel ils décernaient le titre de « divin » et accordaient des jeux du cirque, un temple, des prêtres chargés de perpétuer sa mémoire.
    Ils se disaient assurés qu’en adoptant Marc Aurèle, en le faisant son héritier, Antonin le Pieux avait choisi avec sagesse et perspicacité le meilleur des successeurs pour l’Empire.
    Marc Aurèle s’est avancé et s’est placé entre les bustes de marbre des empereurs. Il s’est dit plein de gratitude pour les sénateurs qui avaient honoré le souvenir de son père adoptif, Antonin le Pieux, l’égal de Numa, roi de Rome. Mais – sa voix s’est faite plus forte – deux hommes suffiraient à peine pour succéder à un tel souverain. Il avait donc décidé de conférer les titres de César et d’Auguste, à son frère adoptif Lucius Vérus avec qui il partagerait la charge de l’Empire.
    Les sénateurs l’ont acclamé. Ils devaient voir dans ce pouvoir divisé l’assurance d’accroître leur influence et leurs privilèges.
    Était-ce une sage décision dictée par l’esprit de mesure et le souci de justice, une façon de désarmer la jalousie d’un frère en l’associant à part égale au gouvernement suprême de l’Empire ?
    J’en ai d’abord douté. Je croyais davantage à l’efficacité de la force qu’à celles de la vertu et de la morale.
     
    J’ai suivi les deux empereurs alors qu’ils s’avançaient côte à côte vers les prétoriens assemblés dans l’enceinte de leur camp.
    Ils promirent à chaque soldat vingt mille sesterces et, pour les autres, une somme en rapport avec leur grade. Les prétoriens dressèrent

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