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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Commode. Un fils peut-il être criminel si son père ne l’a pas été ?
     
    Je m’enfuis, me cloître dans la bibliothèque.
    J’ouvre le livre où Marc Aurèle a rassemblé ses Pensées où il écrivit :
    « Quand on voit ce qui est maintenant, on a tout vu, et ce qui s’est passé depuis l’éternité, et ce qui se passera jusqu’à l’infini ; car tout est pareil en gros et en détail. »
    Mais si cette pensée est juste, alors le règne criminel de Commode dit la vérité de ce qui fut et de ce qui sera ! Et il n’y aura jamais de paix ni d’ordre juste en ce monde. On y égorgera. On y violera. On y suppliciera, comme fait Commode. Et comme l’aurait fait avant lui ou aurait été capable de le faire tout homme, s’il en avait eu le pouvoir.
    Donc aussi Marc Aurèle.
    Si cela est, l’espérance ne peut être que hors de ce monde, dans une vie d’après la mort, née de la résurrection.
    Que disent d’autre les chrétiens ?
     
    Je me rappelle Marc Aurèle me prenant par le bras avec cette familiarité fraternelle qui m’émouvait et me comblait :
    « Songe souvent, Priscus, à la liaison de toutes choses dans le monde et à leur rapport les unes avec les autres – m’avait-il dit ce jour-là au bord du Danube alors que le fleuve charriait encore les cadavres des guerriers quades tués lors de leur dernière tentative pour prendre pied sur notre rive. Car toutes choses sont en quelque sorte entrelacées entre elles. Et, par là, toutes sont amies les unes des autres, car l’une est la suite de l’autre… Tout est issu du principe universel ou accompagne comme conséquence ce qui en est issu. Même la gueule du lion, le poison, toutes choses nuisibles, comme les épines ou la boue, découlent et adviennent comme la conséquence d’êtres nobles et beaux. »
    Il m’a serré le bras et a penché la tête vers moi :
    « Priscus, ne les imagine pas comme étrangers à ce que tu respectes, songe plutôt à la source d’où vient toute chose… »
     
    J’ai hésité. J’ai médité ces propos, lu et relu ces Pensées de Marc Aurèle.
    Tout est-il pareil « en gros et en détail » ?
    Toutes choses sont-elles inextricablement entrelacées, causes et conséquences les unes des autres ?
    Comment savoir ?
    J’ai décidé de remonter le fleuve de ma mémoire pour atteindre une source qui avait jailli devant moi sans que je la visse, il y avait cinq années de cela.
    Ce fleuve se nommait le Rhône.
    La source s’en trouvait à Lugdunum, dans cette ville où j’avais débarqué d’une grosse nave qui, depuis la Méditerranée, était halée par des paires de bœufs cheminant lentement sur chacune des rives.
    J’aperçus enfin cette ville dont les faubourgs d’Ainai s’étendaient sur plusieurs petites îles, et dont la cité romaine et gauloise était tassée sur les pentes de la colline de Fourvière qui domine les eaux du fleuve.
    Je voulais réexplorer ce que j’avais vécu là, au bord du Rhône.

 
     
40
    C’était donc il y avait environ cinq ans, à Lugdunum, dans cette cité des bords du Rhône qui était alors la capitale des Gaules.
    J’étais assis sur la terrasse de la demeure du légat impérial, Martial Pérennis.
    Je l’écoutais.
    Il allait et venait devant moi, s’immobilisant souvent, tendant alors le bras en direction de ce faubourg d’Ainai où j’avais débarqué quelques heures auparavant en compagnie de Sélos, mon affranchi.
     
    Trois prétoriens de la garde du légat nous avaient accueillis sur les quais du port, mais j’avais refusé de monter sur la litière, comme ils m’y invitaient.
    Les ruelles populeuses m’attiraient. La foule y était bruyante, bigarrée. Les boutiquiers criaient pour tenter d’attirer les passants, les femmes surtout dont j’avais remarqué, dès mes premiers pas sur le quai, le corps souple, les traits réguliers, les cheveux noirs, la peau mate des Orientales, leurs hanches et leurs seins lourds sous les voiles.
    J’avais aussitôt ordonné à Sélos de se mettre en chasse, de m’acheter l’une de ces jeunes femmes, une vierge, et je lui avais désigné certaines de ces silhouettes, certaines richement vêtues de robes claires bordées de tissu pourpre.
    Sélos connaissait mes penchants. Il s’était incliné, m’avait souri comme un vieux complice, ajoutant qu’il se sentait ici chez lui.
    On entendait en effet parler le grec et le syriaque, plus rarement le latin ou le celte.
    J’avais à peine

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