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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’Empire, l’infectaient, l’affaiblissaient, le rongeaient de l’intérieur ?
    Il fallait les débusquer, les exterminer, jeter leurs corps parmi ces cadavres, montrer à tous que la résurrection ne se produisait pas, qu’elle n’était qu’une superstition, un mensonge pour attirer femmes, esclaves, impies dans la secte de Christos.
    Il fallait donc que chacun constate que leurs corps pourrissaient, que leur chair n’était que la pitance de chiens errants.
     
    Tant que ces corps et ces débris humains sont restés sur le forum, l’horreur est demeurée en moi.
    J’ai demandé au légat impérial qu’il les retire. Il m’a regardé avec étonnement. Les exposer était le seul moyen de montrer que la mort était toujours victorieuse, que les prêtres de Christos ne prêchaient que mensonges. C’était pour éviter cela que, la nuit, des chrétiens cherchaient à s’emparer des dépouilles en tentant de corrompre les soldats. Ils voulaient leur donner une sépulture, cacher leur décomposition, faire des tombeaux des lieux de pèlerinage.
    J’ai ainsi appris de la bouche même du légat impérial que la foule ne se trompait pas. Des chrétiens avaient survécu. Vettius Epagathus et Irénée vivaient encore, cachés à Lugdunum ou dans les faubourgs. Ils rassemblaient de nouveaux convertis, annonçaient la fin des temps, prédisaient le règne de l’Antéchrist. Le martyre des chrétiens était la preuve que Dieu voulait éprouver ses fidèles, les soumettre à la loi de la bête et des démons avant d’apparaître et de faire ressusciter ceux qui avaient souffert pour Lui.
     
    J’avais écouté le légat avec des sentiments mêlés, accablement et allégresse, comme si deux êtres s’opposaient en moi.
    L’un était accablé par la persistance de cette superstition qui prouvait que l’homme refusait la sagesse et la raison, et qu’il faudrait donc continuer d’appliquer la loi, peut-être même la rendre plus implacable.
    L’autre se réjouissait de savoir que des chrétiens continuaient d’honorer leur dieu et qu’aucune souffrance, aucune crainte n’avait réussi à les faire renoncer à leur foi en Christos.
    C’était cette partie-là de moi qui caressait les cheveux de Doma, prenait son visage entre mes paumes, la regardait comme si je découvrais en elle la beauté d’une âme.
    Je lui ai dit que nous allions quitter ensemble Lugdunum.
    Ce jour-là, septième jour après la mort de Blandine, le légat impérial avait enfin donné l’ordre de brûler les cadavres et les débris de corps entassés sur le forum, puis d’en jeter les cendres dans le Rhône.
    Je me suis avancé vers Doma, j’ai tendu ma main vers elle sans la toucher.
    Les mots jaillissaient de mes lèvres sans que je les eusse prémédités. J’ai dit à Doma que sitôt arrivés à Rome, je l’affranchirais.
    « Tu seras une femme libre. »
    Pour la première fois depuis le début des jeux sanglants, j’ai senti que l’horreur s’éloignait de moi.
    J’ai répété :
    « Tu seras libre de choisir. »
    Et j’ai pensé à Blandine qui, à la vie dans le reniement, avait préféré la liberté de croire et de mourir en son Dieu.
    Il m’a semblé que je venais de lui offrir en hommage la liberté de Doma, qu’elle le savait et qu’elle en était heureuse.

 
     
     
     
     
SEPTIÈME PARTIE

 
     
50
    J’ai tenu ma promesse. J’ai affranchi Doma et j’ai détourné la tête pour ne pas voir les larmes couler sur ses joues et ses mains qu’elle joignait pour me remercier, presque m’implorer.
    Je ne voulais pas lui montrer mon émotion quand, s’approchant de moi, elle a murmuré :
    « Garde-moi auprès de toi, Maître. Je reste la plus obéissante de tes esclaves. Tu pourras toujours faire de moi ce que tu voudras. »
    J’ai reculé. Je me suis senti honteux.
     
    Depuis mon retour à Rome, alors que j’avais enfoui au plus profond de ma mémoire ce que j’avais vu à Lugdunum, je vivais dans l’hésitation et l’incertitude.
    J’avais rencontré Marc Aurèle à plusieurs reprises et j’avais été frappé par sa maigreur, la pâleur de son visage, la lenteur de son élocution, la mort qui semblait se lover en chacune de ses phrases.
    « Il faut agir, parler, penser comme si dès maintenant tu pouvais cesser de vivre », me répétait-il.
    J’avais eu l’intention d’évoquer la lettre qu’il avait écrite au légat impérial et qui avait décidé du sort des chrétiens de

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