Marcel Tessier racontre notre histoire

place ou la céder au nouvel arrivant? Cet épineux sujet suscite toute une controverse. Et, après plusieurs contestations, ce sont les partisans de Monseigneur qui ont gain de cause: le banc de l’évêque sera placé «en dedans des balustrades et celui du gouverneur, en dehors et au milieu». Ces détails paraissent sûrement tout à fait insignifiants aujourd’hui! Mais à l’époque, la «victoire» de M gr de Laval sur le gouverneur a contribué à affermir l’autorité ecclésiastique en Nouvelle-France.

    LA TRAITE DES BOISSONS
    L’alcool: voilà une question qui va préoccuper longtemps le premier prélat. En effet, les Hollandais de la Nouvelle-Amsterdam et les Anglais de la Nouvelle-Angleterre pratiquent alors la traite des boissons avec les Amérindiens. Quant aux Français, ils troquent régulièrement «l’eau de feu» contre les marchandises des autochtones. Cesser de le faire équivaudrait purement et simplement à saborder le commerce. Même Talon, Frontenac et les autres administrateurs ne prendraient pas ce risque.
    Mais M gr de Laval, comme les missionnaires d’ailleurs, doit constater que l’alcool ruine les Indiens, au physique et au moral, et provoque des dégâts infamants et des désordres indescriptibles parmi leur population. L’évêque se saisit donc du problème et fait trois voyages en France (en 1662, en 1671 et en 1679) pour tenter de le régler. C’est finalement en 1679, après des combats épiques contre les autres administrateurs, que le prélat voit une ordonnance royale lui donner raison.
    QUÉBEC ÉRIGÉ EN ÉVÊCHÉ
    En 1674, Québec devient diocèse. À partir de ce moment, la hiérarchie ecclésiastique est fondée en Nouvelle-France. M gr de Laval prend ensuite l’éducation en main. Il fait construire des écoles primaires à Château-Richer, à Sillery, à Sainte-Foy, à Pointe-de-Lévis et à Saint-Joachim, où il fonde aussi une école technique. C’est à cet endroit que les premiers artisans du Canada apprennent leur métier. Plus tard, on en fera une école normale où seront formés des instituteurs.
    Saviez-vous que…
    La ville de Laval fut ainsi baptisée en l’honneur de François-Xavier de Montmorency-Laval, né en 1622 à Laval (Eure-et-Loir). En 1636, l’île fut concédée aux Jésuites sous le nom temporaire d’île de Jésus. L’année suivante, le gouverneur Montmagny lui attribua son propre nom, mais la première appellation, qui l’emporta, s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui, la particule en moins. En 1670, François Berthelot en devient le propriétaire. Cinq ans plus tard, elle passe dans les mains de M gr de Laval en échange de l’île d’Orléans et d’un paiement de 25 000 livres par Berthelot. En 1680, M gr de Laval cède ses droits au Séminaire de Québec, qui gardera l’île jusqu’à l’abolition du régime seigneurial en 1854.
    LE GRAND ET LE PETIT SÉMINAIRE
    Le Grand Séminaire de Québec, c’est l’œuvre de la vie de M gr de Laval. Au début de son ministère, il prend à sa charge de jeunes étudiants des Jésuites. Mais pour former dans de bonnes conditions les futurs prêtres de son diocèse, il veut un vrai collège, un séminaire. Il y consacrera toute sa fortune personnelle. Maison de formation, foyer pour ses prêtres malades ou fatigués, lieu de ressourcement spirituel, le séminaire devient le lieu de prédilection de l’épiscopat. M gr de Laval appelle sa communauté «la sainte famille des missions étrangères» . Cinq ans plus tard, il ouvre le Petit Séminaire de Québec.
    François-Xavier de Montmorency-Laval démissionne en 1688. Mais il reviendra plus tard à Québec, où on le surnommera affectueusement M gr l’Ancien. Il continuera à prier, à donner et à guider son peuple jusqu’à sa mort, en 1708. Tout comme Champlain est le père de la colonie, M gr de Laval en est le père spirituel, le fondateur de l’Église en Nouvelle-France. De la mission, il fait accéder le peuple à la paroisse. En 1681, on compte ici 25 paroisses au sein desquelles nos ancêtres vivent intensément leurs croyances catholiques sous le regard bienveillant de leur évêque.
    Grâce à son séminaire, M gr de Laval aura aussi créé un clergé national, capable de bien comprendre les préoccupations de ses ouailles. Son successeur, M gr de Saint-Vallier, continuera son œuvre à partir de 1688.

14 LA RECLUSE DE MONTRÉAL
    L a vie de Jeanne Le Ber, célèbre recluse, est un épisode énigmatique de