Marcel Tessier racontre notre histoire
cheptel: chevaux, moutons, porcs… et d’autre part, il introduit des cultures de type industriel: du lin pour tisser des voiles, du chanvre pour faire des cordages, de l’orge pour brasser de la bière. Puis il trouve des débouchés pour ces produits. Par ailleurs, il installe des fabriques de chapeaux et de chaussures… et bien avant Molson, il fonde une brasserie. Il ouvre les premiers chantiers navals à Québec, ainsi qu’une tannerie et une fabrique de savon. Il organise le commerce extérieur et agrandit la colonie en envoyant des explorateurs aux quatre coins du territoire. À l’intérieur, il établit solidement le régime seigneurial.
Sous le Régime français, Jean Talon, en intendant efficace, est l’un des très grands artisans de notre histoire.
16 CHARLES LE MOYNE DE LONGUEUIL ET DE CHÂTEAUGUAY
R aconter et commenter la vie d’un aussi grand homme que Charles Le Moyne a de quoi remuer tout amateur d’histoire. Quel monument! Ses fils seront des héros: Jacques, sieur de Sainte-Hélène, Paul, sieur de Maricourt, Joseph, sieur de Sérigny, François et Jean-Baptiste, sieurs de Bienville, Gabriel, sieur d’Assigny, Louis et Antoine, sieurs de Châteauguay. Et bien sûr Pierre, sieur d’Iberville.
Mais revenons à Charles, le premier Le Moyne à se fixer en Nouvelle-France. Fils de Pierre Le Moyne, aubergiste, et de Judith Du Chesne, habitants de Dieppe en Normandie, Charles deviendra soldat, interprète, négociant et seigneur dans son pays d’adoption. Il arrive en 1641, à l’âge de 15 ans, pour rejoindre son oncle du côté maternel, Adrien Du Chesne, qui y exerce déjà son métier de chirurgien. À son arrivée, il travaille en Huronie comme engagé chez les Jésuites. Il se met alors à étudier les langues indiennes durant quatre ans. Ce séjour lui permet de servir sa patrie d’une façon unique, car il devient indispensable dans les relations avec les peuples amérindiens. En 1646, après un court séjour à la garnison de Trois-Rivières, il arrive à Ville-Marie, qu’il ne quittera plus. À cette époque, les Iroquois ne cessent d’attaquer cette nouvelle colonie établie par Maisonneuve. Les colons sont sans cesse menacés sur tous les fronts. Charles devient un de leurs défenseurs. Avec Jacques Archambault, Jean Chicot, Lambert Closse et d’autres colons, il participe à toutes les batailles contre les Iroquois, les repoussant et faisant des captifs à échanger contre des prisonniers français. Partout, ses services sont requis comme soldat et interprète. On raconte même qu’en 1660, il devait accompagner Dollard des Ormeaux, mais il renonça à cause du temps des semailles. Dans le Dictionnaire biographique du Canada, Jean-Jacques Lefebvre écrit qu’en février 1661, 160 Amérindiens attaquent Ville-Marie. Le Moyne ne possède qu’une seule arme pour se défendre. Comme les attaquants allaient le capturer, une certaine dame Duclos lui aurait apporté une brassée d’armes. N’écoutant que son courage, Le Moyne aurait réussi à mettre ses ennemis en fuite. Mais en 1665, il tombe aux mains des Iroquois, et c’est son ami Garakontié, chef des Montagnais, qui le fait libérer.
En 1666, le gouverneur Rémy de Courcelle tente une expédition en pays ennemi. C’est Le Moyne qui commande les habitants de Ville-Marie à l’avant-garde de l’attaque. Dans la guerre contre les Agniers, en 1667, il prend la tête des colons de Montréal sous les ordres de Tracy. Plus tard, Le Moyne est là, volontaire, tant pour fonder Cataracoui au lac Ontario, sous Frontenac, que pour décider si la Nouvelle-France doit attaquer le pays iroquois, sous Le Febvre de La Barre.
Le Moyne s’illustre également dans un autre domaine, car en plus d’être un soldat hors pair, il devient un administrateur talentueux. L’inventaire après décès révèle en effet que Le Moyne est, de son temps, le plus riche citoyen de Montréal. En 1654, à son mariage avec Catherine Thierry, fille adoptive d’Antoine Primot et de Martine Messier, Chomedey de Maisonneuve lui offre une concession de 90 arpents aujourd’hui baptisée Pointe-Saint-Charles, ainsi qu’un emplacement important rue Saint-Paul, où il installe sa demeure principale. En 1657, la famille Lauson lui donne un fief de 5000 arpents sur la rive sud de Montréal et, en 1665, on ajoute l’île Sainte-Hélène et l’île Ronde à ses possessions. En 1669, Le Moyne achète un établissement au Sault-Saint-Louis. En 1672, les
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