Marcel Tessier racontre notre histoire
appels enflammés des futurs Américains. D’autant plus que vivant sous le Régime anglais, ils ne peuvent pas compter sur une élite politique, ni, désormais, sur les seigneurs ou sur l’Église, trop reconnaissants envers le colonisateur pour ne pas collaborer avec les autorités anglaises.
L’ARMÉE AMÉRICAINE ENVAHIT LE CANADA
Constatant la neutralité des Canadiens, deux armées américaines marchent sur la Province of Quebec en août 1775. Sur leur route, elles s’emparent de quelques forts. L’armée du général Arnold échouera devant Québec. Mais celle de Montgomery prend Montréal en novembre, et s’y installe. Les Américains tentent encore de rallier par la douceur les Canadiens. Par exemple, ils distribuent des tracts publiés ici par un imprimeur de Philadelphie venu avec sa propre presse, Fleury Mesplet, un ami de Benjamin Franklin. Mais ses écrits ne convainquent personne. Les Canadiens n’offrent pas de résistance et restent neutres. À leur avis, le conflit regarde l’Angleterre et ses colonies anglo-américaines, et ils n’ont pas à se mouiller.
Une année plus tard, les envahisseurs seront refoulés… Le bon peuple gardera le silence, attendant peut-être d’autres invitations. Quant aux Américains, ils déclarent leur indépendance le 4 juillet 1776.
L’ACTE CONSTITUTIONNEL DE 1791
Quinze ans après la Déclaration d’indépendance, la Révolution américaine aura une conséquence directe très lourde chez nous: une nouvelle constitution.
Certains Américains refusent l’indépendance des colonies. Ce sont des monarchistes qui veulent rester fidèles à la Couronne britannique. On les appelle les «loyalistes». Considérés comme des traîtres chez eux, ils doivent fuir leur pays. Certains retournent en Angleterre ou partent s’établir dans d’autres colonies anglaises. Mais plusieurs restent en Amérique du Nord. Ils vont s’installer dans les Maritimes ou viennent ici, dans les Cantons-de-l’Est. Cependant, plusieurs de ces loyalistes ne veulent pas vivre dans une province où la religion est catholique et les lois civiles, françaises. C’est donc pour eux qu’en 1791 Londres octroie l’Acte constitutionnel, qui divise le territoire de la province en deux parties: le Bas-Canada (Québec) et le Haut-Canada (Ontario). Chacune des parties obtient sa Chambre d’Assemblée. C’est le début du parlementarisme chez nous. Cependant, on ne leur accorde pas la responsabilité ministérielle. Le gouverneur demeure le chef véritable. Il choisit les membres du Conseil exécutif et du Conseil législatif. De plus, il a un droit de veto. Ce sera le commencement d’une lutte dans le Bas-Canada entre le Parti canadien et le Parti tory. Le Parti canadien, représentant la majorité, aura plus tard à sa tête Louis-Joseph Papineau et se battra pour protéger la nation canadienne. Le Parti tory, représentant les habitants d’origine britannique, a pour but de réaliser, par l’immigration et par un système scolaire anglophone, l’assimilation des Canadiens français. Afin d’atteindre cet objectif tout en favorisant le développement économique, le Parti tory va proposer l’union du Bas et du Haut-Canada.
35 L’ATTITUDE DES CANADIENS FACE À L’INDÉPENDANCE AMÉRICAINE
O n a déjà dit quelque part que le Canada est resté attaché à l’Angleterre en cette occasion grâce aux seigneurs et au clergé. L’affirmation est exacte. Bien sûr, lorsque les Canadiens reçoivent l’invitation des Américains à se joindre à eux dans la révolution, plusieurs sont tentés. Ils se souviennent de 1760 et du régime qui a suivi, de 1763 à 1774. Le désir d’une revanche occupe une bonne partie de leur cœur. Surtout que la France, elle, se lance à fond de train aux côtés des révolutionnaires. D’ailleurs, plusieurs Canadiens s’enrôlent dans les troupes américaines. Mais la masse reste neutre. Le clergé et les seigneurs y veillent, car leurs intérêts sont en jeu. Ils dominent la majorité de la population.
Laissons Yves Bourdon et Jean Lamarre nous guider dans cette histoire. Bien sûr, le clergé et les seigneurs connaissent les véritables enjeux. Ils ont de la difficulté avec le Congrès. D’une part, les Américains dénoncent à grands cris l’Acte de Québec, favorable aux Canadiens catholiques, et, d’autre part, ils les invitent à partager leur couche. Le clergé sait surtout que ces puritains ne tolèrent même pas une église
Weitere Kostenlose Bücher