Marcel Tessier racontre notre histoire
démocratie. Plusieurs d’entre eux y laisseront leur vie ou paieront le prix de la déportation.
UN ÉTAT SOUVERAIN
En 1830, Lord Aylmer, le gouverneur britannique fraîchement arrivé, se montre prêt à faire des concessions aux Canadiens. Mais il s’agit de points de détail, et le problème, c’est-à-dire l’absence de pouvoir des élus face aux représentants de la Couronne, reste le même. Louis-Joseph Papineau refuse ces mesures, qu’il juge insuffisantes au point d’en être insultantes. Cette décision du chef va toutefois diviser le Parti canadien: les modérés choisiront John Neilson comme chef, et les radicaux suivront Papineau. Ceux-là estiment que le peuple est prêt à prendre son destin en mains, en se débarrassant du joug de la domination anglaise et en se donnant un État souverain.
Pour cela, nous dit Léandre Bergeron, les Canadiens devront se réapproprier deux pouvoirs: celui de l’argent et celui de la pensée. D’une part, on fonde la Banque du Peuple qui, en concurrençant la Bank of Montreal, une création de Molson et McGill, donnera aux Canadiens le contrôle de leur économie. Et, d’autre part, on s’éloigne du clergé, qui fricote avec le pouvoir anglophone et dont l’ascendant sur les esprits ne suscite plus que la méfiance.
L’ESCALADE
À partir de 1832, une série d’événements va petit à petit chauffer les esprits et mener tout droit à l’affrontement. D’abord, lors d’une élection partielle à Montréal, des soldats anglais tuent trois manifestants canadiens. Les responsables de ce carnage sont acquittés, et le gouverneur Aylmer maintient le jugement. Le peuple est en colère.
L’année suivante, le parti de Papineau réclame une loi qui rendrait le Conseil législatif électif, ce qui signifierait la fin des nominations partisanes. La proposition est refusée. De plus, lors de cette session, le budget n’est pas voté. C’est le blocage. Le gouverneur profite de ses pouvoirs pour se voter quand même son salaire et celui des autres administrateurs.
Les Canadiens sont conscients de la politique d’assimilation de l’Angleterre: chaque année, 50 000 immigrants viennent dans le Bas-Canada grossir les rangs des anglophones. De plus, l’épidémie de choléra déclenchée par l’arrivée massive d’Irlandais malades tue 3000 personnes! Pour ne rien arranger, cette même année, le gouverneur met sur pied la British American Land Co., fondée à Londres dans le but d’établir 600 000 Britanniques dans les Cantons-de-l’Est et dans l’Outaouais. C’est la panique chez les Patriotes. Surtout que la situation économique est très mauvaise.
Finalement, en 1834, le Parti «patriote» va proposer ses 92 Résolutions, qui exigent ni plus ni moins que la responsabilité ministérielle. Pour le gouvernement britannique, cela est inacceptable: donner tous les pouvoirs à l’Assemblée, comme elle le souhaite, c’est laisser le Bas-Canada devenir indépendant! Papineau force le combat. Il demande aux Canadiens de boycotter les produits anglais et de retirer leurs économies de la Quebec Bank et de la Bank of Montreal.
En 1835, Londres envoie un nouveau gouverneur, Lord Gosford, avec un mandat de conciliation. Il doit essayer de neutraliser les Patriotes en travaillant avec les modérés. Il fait appel au calme. Peine perdue, même s’il réussit à attirer quelques Patriotes dans le groupe des modérés.
En 1837, Lord Russell, le secrétaire aux colonies, rejette officiellement depuis Londres les 92 Résolutions. C’est l’impasse… Les Patriotes répondent à leur façon, en organisant des assemblées populaires un peu partout. Des résolutions sont adoptées, puis publiées dans les journaux comme La Minerve et le Vindicator . Le gouverneur intervient, interdit les assemblées populaires… qui continuent. M gr Lartigue, évêque de Montréal, entre dans la danse et prend position en faveur de Gosford et du pouvoir britannique. Lors d’un discours public, il menace d’excommunication tous ceux et celles qui désobéiront au gouvernement. Il se sert du journal L’Ami du peuple pour répandre ses menaces. En 1837, quand la reine Victoria monte sur le trône, les évêques font chanter le Te Deum dans toutes les églises du Québec en l’honneur de la souveraine. Mais les paroissiens exaspérés sortent des églises.
On met sur pied un groupe paramilitaire, les Fils de la Liberté, en riposte aux attaques d’un groupe anglais
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