Marcel Tessier racontre notre histoire
dangereux étaient des nouveaux venus dans le pays. Ils traquaient les Canadiens dans les bois, sur les rivières, en pleine ville et les assassinaient sans merci. Irlandais catholiques et orangistes se liguaient contre nous. Ces bandes de tueurs se donnaient le nom de shiners, ceux qui brillent par leurs exploits. We are the shiners of the Ottawa, nous sommes les radieux vainqueurs de ce pays.» Sulte ajoute: «Il était presque impossible à nos compatriotes de Bytown de se déclarer Canadiens français, on en faisait un crime. On avait organisé une sorte de police secrète qui avait pour but de détruire le nom français dans la vallée de l’Ottawa.» C’est contre eux que le Québécois Jos Montferrand s’est illustré.
LA LOI DE L’UNION
Que dit cette loi qui crée une toute nouvelle constitution, c’est-à-dire une toute nouvelle façon de vivre pour la société des Canadiens?
D’abord, la loi de l’Union crée la Province of Canada.
Ensuite, elle stipule l’union du Bas et du Haut-Canada sous un seul gouvernement. Ce gouvernement est composé d’un gouverneur (ce sera Lord Sydenham), d’un Conseil exécutif, d’un Conseil législatif et d’une Chambre d’Assemblée. Le gouverneur a un droit de veto, il peut créer des comtés et y nommer des représentants personnels, et se réfère directement au parlement britannique. (Lequel refuse pour l’instant d’accorder la responsabilité ministérielle. Quant à la reine, elle peut bloquer une loi pendant deux ans!) Le Conseil exécutif, recruté parmi les députés, est nommé par la Couronne. Le Conseil législatif compte 24 membres nommés à vie (pas élus). Enfin, l’Assemblée, élue, est composée de 42 membres du Haut-Canada et de 42 membres du Bas-Canada.
L’anglais est la seule langue officielle et on met en commun les dettes et les revenus. Cette dernière mesure est indigne pour le Bas-Canada, dont la dette est de 90 000 livres, alors que celle du Haut-Canada s’élève à 1 200 000 livres! En réalité, la faillite du Haut-Canada est imminente et les banquiers de Londres qui y ont investi ont fait d’énormes pressions pour sauver leur mise. Le Union Bill, personne n’est dupe, est d’abord et avant tout une affaire d’argent.
Dans son journal Le Canadien (l’un des rares encore autorisés), Étienne Parent analyse jour après jour le texte de la nouvelle constitution, ses implications, ses conséquences. Le peuple est consterné, découragé, démoralisé. Il sort à peine des grands espoirs et des grandes frayeurs des soulèvements, il vient d’essuyer les insultes du rapport Durham qui le traite de race inférieure et retardataire… Et voilà que le bill de l’union veut le soumettre encore! «Nous avions pensé survivre, écrit Étienne Parent démobilisé, c’est bien fini… Anglicisons-nous au plus tôt!»
Mais nos Canadiens ont la couenne dure. Ils vont résister.
49 LOUIS-HIPPOLYTE LA FONTAINE
O n ne manque pas de lieux pour nous rappeler le rôle prépondérant que le nom de Louis-Hippolyte La Fontaine a joué dans notre histoire: tunnel reliant les deux rives du Saint-Laurent, hôpital psychiatrique de pointe à Montréal, parc renommé en plein centre-ville…
Le grand homme est le fils d’Antoine Ménard et de Marie Fontaine-Bienvenue, cultivateurs de Boucherville. Le grand-père avait été actif sur la scène politique de 1796 à 1804. Louis-Hippolyte laissera plus tard tomber le nom Ménard, et adoptera le surnom de La Fontaine. Après ses études au collège de Montréal, il devient avocat et professe dans cette ville. Il entre en politique à un moment très difficile de l’histoire du Bas-Canada. La lutte parlementaire qui s’amorce alors entre le Parti canadien et l’oligarchie anglaise à l’Assemblée dégénérera bientôt en lutte armée: ce sera le soulèvement de 1837.
La Fontaine est l’un des principaux lieutenants de Louis-Joseph Papineau, bien que dès ce moment, on note une différence entre la pensée des deux hommes. Papineau est très conscient du pouvoir de l’Église auprès des autorités et il agit de façon à ne pas l’affronter; tandis que La Fontaine a des opinions plutôt gallicanes, c’est-à-dire qu’il considère que l’Église n’a pas à se mêler de la chose politique. Il n’a pas la langue dans sa poche. En 1834, par exemple, il s’attaque violemment à deux membres du Parti «patriote» qui ont changé de camp et accepté des postes au Conseil
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