Marcel Tessier racontre notre histoire
aussi citer l’abbé Casgrain, l’influent Casgrain, qui écrivait: «Si, comme cela est incontestable, la littérature est le reflet des mœurs, du caractère, des aptitudes, du génie d’une nation, la nôtre sera grave, méditative, spiritualiste, religieuse, évangélisatrice comme nos missionnaires. Généreuse comme nos martyrs, énergique et persévérante comme nos pionnières d’autrefois. Mais surtout elle sera essentiellement croyante et religieuse. C’est la seule condition d’être: elle n’a pas d’autre raison d’existence.»
Petit à petit, le nationalisme des Patriotes change de cap. Sous l’influence de l’Église et de sa propagande, un nationalisme tourné vers le passé commence à s’imposer. On peut en voir une manifestation dans l’accueil que fit la population à La Capricieuse , le premier bateau français à entrer dans un port du Saint-Laurent depuis la Conquête. À son arrivée, en 1855, ce fut l’allégresse. «La France est revenue!» Ne nous avait-elle pas rejetés? Léandre Bergeron déclare à propos de cette visite:
La Capricieuse était venue faire une visite d’amitié après que la reine Victoria avait fait une alliance avec Napoléon III, empereur des Français. La France n’était pas revenue. Elle faisait une petite visite. On moussait chez le colonisé canayen une dépendance vis-à-vis une «mère» qu’il ne pourrait jamais revoir mais dont on lui montrait quelques portraits. En fait, on développait chez lui le colonialisme culturel vis-à-vis la France en le maintenant dans l’ailleurs dans des rêves de grandeur passée quand la France dominait le Canada. De cette façon, on empêchait le colonisé canayen de s’identifier à l’homme d’ici, colonisé certes mais prêt à lutter contre ce colonialisme. On essayait de le maintenir dans l’enfance. Le clergé infantilisait le peuple, le gardait dans l’ignorance la plus crasse et la dépendance la plus aveugle pour établir sa domination totale sur lui.
Que penser par ailleurs de la levée des zouaves pontificaux, qui commence en 1867, l’année même où le clergé et les petits-bourgeois comme George-Étienne Cartier enfermaient le Québec dans la Confédération? Cette période est cruciale dans la compréhension de l’histoire de notre peuple. De peuple prêt à se soulever pour être reconnu comme nation démocratique, il devient peu à peu, sous la tutelle du clergé et de la nouvelle élite politique, faiblard dans ses revendications, acceptant même la domination totale du conquérant et son assimilation à long terme. Que sont devenus les Cartier, Laurier et autres qui avaient pourtant combattu pour la liberté d’un peuple? Mais l’histoire n’est pas si simple…
D’un autre côté, on peut se demander ce que seraient devenues la langue, la culture du peuple québécois sans le clergé. Nos peintres, nos architectes, nos musiciens qui travaillaient à l’intérieur de nos églises? Qui aurait formé nos médecins, avocats, penseurs, chercheurs de toutes sortes? Qui nous aurait gardés en vie? L’histoire n’est pas toute noire ou toute blanche. Certes, il nous faut expliquer et raconter ce qui est arrivé; le passé vécu par un peuple demeure au cœur même de son identité. Ceux qui ont pris la relève des Patriotes se sont emparés de l’âme et des mœurs des Canadiens français. Leur but était sûrement noble. Par leur action, ils les ont, bien sûr, encouragés à suivre leur idéologie, croyant que c’était la seule façon de sauver la nation. Ne tapons pas sans discernement sur le clergé ultramontain du temps. Il a fait faire des pas culturels importants aux Canadiens français. Depuis, le peuple a grandi. Il a découvert et exploré d’autres sentiers.
Pour vous permettre de vous faire une idée de la position du clergé à cette époque, mais en gardant à l’esprit que tous ses membres ne pensaient pas de la même façon, je vous propose la lecture qui suit. Il s’agit d’un sermon prononcé dans l’église de Sainte-Anne-des-Plaines par le curé Isidore Poirier, le 11 novembre 1838.
Vous ne sauriez ignorer, mes frères, quels sont les devoirs que vous devez rendre à César, c’est-à-dire au roi, ou à la puissance souveraine; depuis un an surtout, on vous les a expliqués amplement… Cependant comme il y a encore parmi vous des têtes dures, qui font semblant de ne rien comprendre, pour se livrer sans remords à la fureur de leurs passions, je
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