Marcel Tessier racontre notre histoire
stratégiques, sans l’accord des chefs La Fontaine et Baldwin qui ont alors démissionné. Mais cela n’a pas fait lâcher Metcalfe. Il s’est simplement entouré de nouveaux hommes: Denis-Benjamin Viger, pourtant un patriote intègre, qui a succombé à l’attrait du pouvoir, et Denis-Benjamin Papineau, le propre frère du grand Louis-Joseph. Grâce à ces nouvelles recrues, Metcalfe espérait former un ministère, car il comptait déjà des supporteurs importants chez les anglophones: Draper et Daly. Mais à l’élection de 1844, après une campagne électorale portant sur le gouvernement responsable, le parti de La Fontaine l’a emporté. Metcalfe a pu survivre quelque temps mais il a démissionné, malade, en 1845.
UN LORD À L’ESPRIT OUVERT
Voilà donc James Bruce qui arrive dans la colonie. Il a 35 ans. Né à Londres en 1811, il est le fils de Thomas Bruce, comte d’Elgin et de Kincardine. Il appartient à la vieille noblesse écossaise. Après des études au collège aristocratique d’Eton, il décroche son diplôme à Oxford. Il entre en politique comme député de Southampton. En 1842, il est nommé gouverneur de la Jamaïque. En 1845, Lord Grey, son oncle, lui demande de venir diriger l’administration du Canada.
Racé, éloquent, intelligent, courageux et honnête, le gentilhomme entre en fonction au début de 1847. Il connaît bien la situation du Canada: il vient d’épouser Mary Louisa Durham, fille de l’auteur du fameux rapport.
Deux sujets entretiennent alors l’opinion publique: le gouvernement responsable et le libre-échange. Aux élections de 1847, les électeurs accordent leur confiance au nationaliste La Fontaine et au réformiste Baldwin. Respectant le choix du peuple, Elgin demande aux deux élus de former le gouvernement. En 1848, dans son discours du trône, il ouvre la porte à la reconnaissance de la responsabilité ministérielle: «Toujours disposé à écouter les avis du Parlement, dit-il, je prendrai sans retard des mesures pour former un nouveau Conseil exécutif.» En 1849, il va encore plus loin.
L’INCENDIE DU PARLEMENT
En 1849, la capitale du Canada-Uni est située à Montréal. Une loi vient d’être votée par les parlementaires. Elle indemnise les habitants du Bas-Canada pour les pertes subies lors du soulèvement de 1837, comme cela avait été fait plusieurs années auparavant dans le Haut-Canada. La mesure n’a pas l’heur de plaire à certains Anglo-Canadiens fanatiques, qui s’en sont pris au gouverneur, et dont le journal The Gazette continue d’attiser les ardeurs: «Quand Lord Elgin (il ne mérite plus le nom d’Excellence) reparut en ville, peut-on y lire, il fut reçu par les sifflets, les grognements et les cris […] on lui lança des œufs pourris, toute la voiture fut couverte du contenu des œufs et de boue […] on se servit de pierres pour saluer son départ […] une multitude doit s’assembler sur la place d’Armes, ce soir à 8 heures. Anglo-Saxons, au combat, l’heure est arrivée!» Mais malgré l’émeute et, pire, l’incendie de l’édifice du Parlement, Elgin se tient debout et il n’intervient pas…
Il vient de consacrer spectaculairement la responsabilité ministérielle. Par son attitude et son intelligence, Lord Elgin donne à la colonie une vraie démocratie. Quelle récompense pour tous ceux qui, depuis des décennies, se sont battus en faveur d’un gouvernement responsable!
51 L’INFLUENCE DE L’ÉGLISE APRÈS LES PATRIOTES DE 1837-1838
L éandre Bergeron a bien analysé cette période historique et je résume ici sa pensée.
L’échec des Patriotes de 1837-1838, qui avaient à leur tête la petite bourgeoisie professionnelle du pays, doit être vu comme une deuxième conquête. En effet, le Bas-Canada perd alors son Assemblée législative et, à la suite du rapport de Lord Durham, notre peuple va être fortement assimilé par le Haut-Canada. L’influence directe va passer entre les mains de l’Église catholique pour plus de 100 ans, c’est-à-dire jusqu’à la Révolution tranquille. L’évêque Lartigue s’était d’ailleurs opposé de toutes ses forces à la rébellion, allant même jusqu’à excommunier ceux qui y prenaient part. Les membres du clergé constituent la seule élite capable de rassembler le peuple. Très près du conquérant anglais, l’Église catholique devient très puissante. Plusieurs avantages matériels vont lui être concédés: octroi de terrains, exemption de
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