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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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quelle odieuse crapule peut être Ahmad, sitôt sorti du lit ?
    — Oh, je le sais, je le sais.
    Il secoua ses mains comme une femme en détresse, se
tortillant de la façon la plus efféminée. Un spectacle écœurant. Il y avait de
quoi avoir la nausée de l’entendre ainsi bafouiller, aussi incohérent qu’une
péronnelle écervelée.
    — Ahmad n’est certes pas le meilleur des hommes.
Versatile... Inquiétant, parfois... Imprévisible. C’est vrai que son attitude,
en privé comme en public, n’a rien de très admirable. Je m’en suis rendu
compte, ça oui.
    — Et tu n’as rien fait ?
    — La femme d’un ivrogne peut-elle l’empêcher de
boire ? Que pouvais-je faire ?
    — Cesser au moins de faire ce que tu as fait.
    — Quoi ? L’amour ? Est-ce que l’épouse
d’un poivrot va cesser de l’aimer juste parce qu’il taquine le bouchon ?
    — Elle peut toujours refuser ses étreintes... Ou
tout ce que vous deux avez pu... basta ! Surtout, n’essaie pas de
m’en parler. Je ne veux même pas chercher à l’imaginer !
    — Marco, sois raisonnable, geignit-il.
Abandonnerais-tu une amante, une séduisante maîtresse, simplement parce que
d’autres ne la jugent pas fréquentable ?
    — Per Dio, mon
oncle, j’espère bien que je la laisserais tomber, surtout si ses tares
incluaient un penchant pour le meurtre de sang-froid !
    Il fit semblant de ne pas entendre cette réponse et se
détourna prudemment.
    — Toutes choses mises à part, mon neveu, Ahmad
est quand même le Premier ministre, le Grand Argentier du khanat, ce qui lui
donne la haute main sur l’ortaq  ! C’est lui qui nous a permis de
prospérer ici, à Kithai, comme marchands.
    — Cette bienveillance impliquait-elle l’obligation
de ramper comme un ver ? De t’avilir et t’abaisser à ce point ? De
t’attifer comme la plus grotesque catin de la terre ? Jusqu’à être obligé
de raser les murs et de te glisser par des portes dérobées, dans cette tenue
ridicule ? Mon oncle, je n’assimile pas la dépravation à une bonne
affaire.
    — Oh, mais non, non ! minauda-t-il,
scandalisé et se trémoussant de plus belle. C’était pour moi bien plus que
cela, crois-moi ! Je te le jure, quoique je doute que tu puisses le
comprendre.
    — Sacro, et
comment, je ne le comprends pas ! Si encore tu ne t’étais livré qu’à une
expérience, moi aussi, cela a pu m’arriver... Mais je ne sais que trop depuis
combien de temps tu t’es enferré dans cette folie. Comment as-tu seulement
pu ?
    — Il l’a exigé de moi. Et tu sais, au bout d’un
moment, on s’habitue à tout, même à la dégradation.
    — Jamais tu n’as ressenti la moindre envie de
secouer le joug ?
    — Il ne m’aurait pas laissé lui résister.
    — Pas laissé ! Allons, mon
oncle !
    — C’est un... un être malfaisant, sans doute...
mais il sait s’imposer.
    — Mais toi aussi, il fut un temps. Caro Gèsu, dans
quel caniveau es-tu tombé... Mais dis-moi, puisque tu oses parler de la chose
comme d’un arrangement mercantile, mon père est-il au courant, lui, de ces développements ?
De ces... compromissions ?
    — Non, non, il l’ignore. Il ne connaît pas ce
point-là. Personne, d’ailleurs, n’est au courant. Excepté toi. Et je donnerais
cher pour que tu l’oublies.
    — Ça, je vais vite l’oublier, tu peux en être
sûr ! fis-je, acide. Dès que je serai mort... Je suppose que tu sais
qu’Ahmad a juré ma perte. Es-tu au courant depuis le début ?
    — Oh non, certainement pas, Marco. Je te le jure,
ça aussi.
    Là-dessus, à la façon d’une femme qui, plutôt que
d’avoir à affronter un obstacle ou une contradiction, préfère bifurquer dans la
première avenue latérale qui se présente et y fuir, il se mit à pérorer :
    — Enfin, je le sais, oui, puisque ce soir quand
tu es entré et que j’ai gagné la chambre voisine, j’ai posé mon oreille à la
porte. Mais cela ne m’était arrivé qu’une fois de me trouver ainsi dans la
pièce d’à côté alors que vous étiez en conversation, et, à cette occasion,
j’avais fait en sorte de ne rien écouter. Il ne m’a jamais pour sa part dévoilé
toute l’étendue de son ressentiment à ton égard, ni les manœuvres clandestines
qu’il ourdissait pour t’effrayer. Oh, ça, j’étais informé, je le confesse bien
volontiers, qu’il ne te portait pas dans son cœur ! Il a plus d’une fois
émis des remarques désobligeantes à ton sujet,

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