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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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dispose d’aucune autre
nourriture se rassasie et étanche sa soif en buvant le sang du premier ennemi
qu’il peut abattre. Il utilise la graisse du cadavre pour huiler sa selle, ses
armes et son armure.
    Kubilaï pinça les lèvres et lissa sa moustache d’un
doigt, frémissant d’une impatience évidente, mais les deux Han n’ajoutèrent pas
un mot. Alors, légèrement exaspéré, le khan murmura :
    — Ces chiffres et ces détails sont certes bien
beaux. Mais je sais déjà tout ce que vous me dites depuis l’âge de quatre ans,
lorsque j’ai appris à monter à cheval. Quels sont l’humeur et l’état d’esprit
de l’ilkhan et de ses troupes, uu ?
    — Pas besoin d’enquête secrète pour le constater,
Sire, répliqua Tang. Comme chacun le sait, tous les Mongols sont toujours prêts
à combattre et désireux de s’y lancer.
    — Combattre, j’entends bien ! Mais qui,
uu ?
    — Pour le moment, Sire, l’ilkhan utilise ses
forces à nettoyer le Sin-kiang des bandits qui l’infestent et dans de petites
escarmouches contre les Tadjiks pour sécuriser ses frontières de l’ouest.
    — Hui ! cracha
Kubilaï, réprimant un bond en avant. Mais fait-il tout cela juste pour
maintenir ses hommes en activité, uu ? Ou prépare-t-il leur adresse
et leur agressivité à d’autres entreprises, uu ? Par exemple une
petite rébellion à mes frontières de l’ouest, uu ? C’est cela que
je veux savoir !
    Tang et Fu ne purent qu’émettre de vagues borborygmes
qui tinrent lieu d’excuses à leur ignorance.
    — Qui peut jamais examiner l’intérieur de la tête
de l’ennemi, Sire ? Le meilleur espion ne saurait observer l’inobservable.
Les faits que nous vous avons rapportés ont été glanés à force de persévérance,
et nous avons pris le plus grand soin à faire en sorte de vérifier leur
véracité. N’oublions pas que si, par malchance, nous avions été démasqués, nous
aurions été attachés entre quatre chevaux fouettés vers les quatre horizons.
    Kubilaï les couva d’un regard empreint de dédain, puis
se tourna vers mon père et mon oncle.
    — Vous, au moins, vous avez vu mon cousin en
face, amis Polo. Qu’en avez-vous pensé, uu ?
    Oncle Matteo articula avec prudence :
    — Il est évident que Kaidu aspire à un peu plus
qu’il ne possède. Et son tempérament belliqueux est patent.
    — N’est-il pas de la lignée du khakhan, après
tout ? ajouta mon père. Les loups ne font pas d’agneaux, il en a toujours
été ainsi.
    — Tout cela aussi, je le sais bien, grogna
Kubilaï. Il n’y a donc ici personne qui ait saisi un peu plus que
l’aveuglante évidence, uu ?
    Ce dernier «  uu ? » ne m’avait
pas été adressé, mais la question me poussa à prendre la parole. D’accord,
j’aurais pu exprimer avec plus de délicatesse ce que je voulais lui dire. Mais
je lui en voulais encore de ce que j’avais pris pour une volonté délibérée de
cruauté de sa part, lorsqu’il s’était arrangé pour que, lors du Cheng, nous
assistions à ses implacables sentences. J’avais encore en tête l’idée erronée
que le khan Kubilaï n’était, au fond, qu’un homme ordinaire. Peut-être aussi
m’étais-je également un peu trop imbibé des boissons que dispensait l’arbre aux
serpents. Enfin, je pris la parole, et ce que j’énonçai résonna sans doute un
peu plus fort qu’il n’eût été nécessaire :
    — L’ilkhan Kaidu vous a qualifié, me semble-t-il,
de « décadent, affecté et dégénéré », Sire. Il a dit que vous ne
valiez désormais pas mieux qu’un Kalmouk.
    Tous les invités m’entendirent. Tous, bien sûr,
devaient savoir quelle chose infecte peut être un Kalmouk. La salle entière se
figea dans un vaste silence, aussi épouvantée que consternée. Les hommes
cessèrent de parler, et les plus stridentes femmes mongoles semblèrent
brusquement s’étrangler. Mon père et mon oncle se couvrirent le visage de leurs
mains, le wang Chingkim me regarda les yeux écarquillés d’horreur, les
fils et les femmes du khakhan suffoquèrent à l’unisson, tandis que Tang et Fu
portaient une main tremblante à la bouche, comme pris d’un petit rire intérieur
ou victimes d’un renvoi. Et partout, ces visages multicolores prirent d’un seul
coup une teinte uniformément pâle.
    Seul celui du khan Kubilaï n’avait pas pris ce teint
cendreux. Le sien avait viré au marron, et, me couvant d’un regard meurtrier,
il semblait se tordre de

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