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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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Jen, les
invités n’eurent qu’à s’en féliciter. À mesure qu’on nous apportait les
nouveaux plats et que nous y goûtions, de toutes les tablées montaient des « Hui ! » et des « Hao ! » d’approbation. Le Lucullus
responsable de ce délice surgit alors des cuisines en souriant et nous gratifia
d’un enthousiaste ko-tou, honoré d’un unanime concert de claquements de
langues qui résonnaient comme un champ crépitant de criquets. Je ferai
remarquer que nous, les invités, dégustions nos plats à l’aide de baguettes
d’ivoire sculpté, tandis que Kubilaï, et lui seul (comme me l’apprit Chingkim),
utilisait des instruments taillés dans l’os de l’avant-bras d’un gibbon, parce
qu’ils noircissaient dès qu’ils étaient mis en contact avec de la nourriture
empoisonnée.
    Notre hôte nous détailla également chaque nouveau plat
déposé sur la table, dont les noms han, pour curieux qu’ils fussent, ne
trahissaient en général rien du contenu et ne m’auraient par conséquent pas
éclairé sur ce que je mangeais. Bien sûr, lorsque le premier mets fut annoncé
sous le nom de « Lait et Roses », je ne fus guère surpris d’y
reconnaître un assortiment de raisins rouges et de raisins blancs. Il faut
préciser qu’au contraire de nos repas, ceux des Han débutent par fruits et
noisettes et s’achèvent par un potage. Mais lorsque je fus confronté à un plat
appelé « Bébés de neige », seules les explications de Chingkim purent
m’apprendre qu’il s’agissait de haricots au lait caillé et de cuisses de
grenouilles. Quant à celui intitulé « Perroquet vert à bec rouge au jade
coupé d’or », c’était une sorte de ragoût multicolore constitué des
feuilles bouillies et hachées de cette plante persane que l’on nomme aspanakh [1] , d’une crème de champignons et de pétales de fleurs variées.
    Lorsque les serviteurs posèrent devant moi des
« Œufs d’un Siècle », je faillis décliner l’offre. Ce n’étaient en
effet que des œufs de poules et de canes cuits durs, mais les blancs étaient
d’une écœurante teinte verte, et leurs jaunes presque noirs. De surcroît, ils sentaient comme s’ils avaient vraiment un siècle. Chingkim m’assura qu’ils avaient
été conservés dans un bain de saumure et n’étaient vieux que de soixante jours,
aussi je les mangeai et les trouvai savoureux. Il y avait d’autres spécialités
plus étranges encore. De la viande de patte d’ours, des lèvres de poisson,
ainsi qu’un bouillon préparé avec la salive qu’utilise un certain oiseau pour
coller les brindilles de son nid. Ou encore des pattes de pigeon en gelée et
une substance gélatineuse, le go-ba, issue d’un champignon parasite qui
pousse sur les tiges du riz... Mais je goûtai à tout, vaillamment. Certains
mets étaient du reste plus aisément reconnaissables, telles des pâtes de
vermicelle miàn de différentes formes accommodées à des sauces variées,
des gnocchis farcis cuits à la vapeur, et nos familières aubergines baignant
dans une sauce de poisson qui, elle, l’était peut-être moins.
    Les progrès accomplis par les Mongols de leur origine
jusqu’à la civilisation étaient patents. Il suffisait, pour s’en convaincre,
d’observer le raffinement de ce banquet, de ceux qui y prenaient part et de
l’endroit où il était organisé. Ces progrès tenaient principalement au fait
qu’ils avaient su adopter la plus grande partie de la culture du peuple Han,
tant en nourriture qu’en habillement, en hygiène et même en architecture.
    Mais le vrai morceau de bravoure de ce banquet, son
plat principal (ou piatanza di prima portata, comme on dit chez nous),
était un mets traditionnel des Mongols adopté depuis peu par les Han. Ils
l’appelaient le « Canard soufflé au vent », et Chingkim m’expliqua sa
longue préparation.
    Un canard mettait selon lui exactement quarante-huit
jours pour passer de l’œuf à la cuisine, puis il requérait quarante-huit heures
d’élaboration culinaire. Son bref temps de vie incluait trois semaines de
gavage intensif, à la façon dont les Strasbourgeois de l’Alsace procèdent avec
leurs oies. Une fois bien engraissé, le volatile était tué et plumé, puis
nettoyé, et l’on gonflait d’air son corps éviscéré avant de le suspendre en
plein vent. « Le vent du sud, pas un autre ! » précisa Chingkim.
Ensuite, il était fumé et laqué de camphre, afin de le rendre

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