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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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meilleurs, se trouvèrent concentrés sur les plus vieux. Un
homme qui s’était héroïquement comporté dans des circonstances difficiles
(jusqu’à remporter une victoire notable ou atteindre une éminence méritée)
était malgré tout considéré comme moins digne d’égards qu’un vieux navet qui ne
faisait rien d’autre que rester assis, simplement occupé à exister, ce
qui l’avait conduit à un âge vénérable. Tout le respect normalement dû à
l’excellence était absorbé par l’antiquité du légume. Je ne trouve pas cela
raisonnable. J’ai connu suffisamment de vieux toqués, et pas seulement à Manzi,
pour savoir que l’âge ne procure pas inévitablement la sagesse, la dignité ni
même l’autorité. L’accumulation des années n’y suffit pas à elle seule :
pour cela, il faudrait qu’elles aient été marquées par l’expérience, l’apprentissage,
la réussite d’un travail entrepris, et ce n’est pas le cas de chacun.
    Pire encore. S’il était de mise d’honorer un
grand-père vivant, alors que dire de son père et de son grand-père à lui ?
Même morts et enterrés, n’étaient-ils pas encore plus vieux (no xe
vero ?), donc encore plus dignes d’être vénérés ? Ainsi furent
interprétés par leurs dévots les préceptes de Confucius, qui avaient ensuite
imprégné l’esprit des Han, qu’ils soient bouddhistes, taoïstes, adorateurs du
Tengri des Mongols, sectateurs de la version nestorienne du christianisme ou
égarés dans des cultes secondaires. L’attitude la plus courante consistait à se
dire : « Qui sait, après tout ? Cela n’aidera peut-être pas à
grand-chose, mais ça ne pourra faire aucun mal de brûler un bâton d’encens à la
gloire de la déité du voisin, fût-elle la plus absurde. »
    Même les personnes les plus rationnelles, ces Han
convertis au nestorianisme (qui n’eussent jamais exécuté le moindre ko-tou devant
la navrante idole ventripotente de leur prochain, devant la divination par les
ossements d’un chaman ou celle du futur dans les baguettes du taoïste), ne
voyaient aucun mal, et même envisageaient avec profit de se prosterner devant
leurs ancêtres. Un homme pouvait être pauvre, démuni de tout bien matériel en
ce bas monde, même le plus misérable avait des nations entières d’ancêtres. Et
manifester à chacun d’entre eux la révérence qui lui était due avait de quoi
laisser la totalité du peuple han en prosternation perpétuelle... si ce n’est
physiquement, du moins dans son attitude face à la vie.
    Le mot han mian-tzu signifie littéralement
« face », la partie avant de la tête, autrement dit le visage. Mais
dans la mesure où, justement, les Han ne laissent que très rarement
transparaître leurs sentiments sur leurs traits, le mot avait fini par
s’appliquer à tous les sentiments ressentis derrière leur face. Insulter
un homme ou l’humilier, le battre lors d’un affrontement lui faisait
immanquablement « perdre la face ». Et la vulnérabilité de cette face
du ressenti, visage des sentiments profonds, persistait au-delà de la tombe,
pour l’éternité. Dans la mesure où aucun fils n’aurait osé se comporter de
façon à faire honte ou à attrister les faces sentimentales de ses aînés encore
vivants, on imagine combien il eût été répréhensible de heurter les sentiments
désincarnés des défunts ! Aussi tous les Han organisaient-ils leur vie
comme s’ils étaient continuellement surveillés, scrutés et jugés par toutes les
générations de leurs aïeux. On aurait pu y voir une superstition digne d’estime
si elle avait incité les hommes à accomplir des exploits que leurs ancêtres
auraient pu applaudir. Mais ce n’était pas le cas. Elle ne faisait que les
maintenir dans une perpétuelle angoisse de leur déplaire. Une vie entièrement
vouée à éviter de commettre de mauvaises actions produit rarement un résultat
exceptionnel... Le plus souvent, elle ne produit même rien du tout.
    Vakh.

 
28
    La ville de Su-zho que traversait notre route vers le
sud était une bien belle cité, et c’est presque avec répugnance que nous nous
résignâmes à la quitter. Mais nous découvrîmes à Hangzhou, notre destination,
un endroit plus beau encore. Un adage rimé est d’ailleurs connu même des Han
qui n’ont jamais visité ces deux villes. Il proclame en substance :
    Shangye Tian tang,
    Zheye Su, Hangl
    Ce que nous pourrions traduire par :
    « Le paradis est loin de

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