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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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que la cithare n’était pas une invention hindoue. J’étais désireux de le
remettre de bonne humeur, mais commençais à me demander s’il existait un sujet
que l’on pût aborder sans risquer de dénigrer, d’une façon ou d’une autre, le
peuple hindou. Un peu désespéré, je tentai de louer la nourriture qu’on nous
avait servie. C’était à l’évidence quelque venaison, noyée bien entendu dans sa
sauce au kàri, mais ce dernier était d’un jaune plus doré et d’une
saveur assez fine, quoique parfumé au curcuma, pâle substitut du safran.
    — Oui, c’est de la viande de daim à quatre bois,
fit le petit rajah en réponse à mon compliment. Un mets fort délicat, que nous
réservons à nos invités de choix.
    — J’en suis très honoré, assurai-je. Mais j’avais
cru comprendre que votre religion hindoue interdisait toute chasse aux animaux
sauvages. Sans doute ai-je été mal informé.
    — Non, non, vous avez été bien informé, rectifia
le petit rajah. Mais notre religion nous enjoint aussi d’être malins. (Il fit
un clin d’œil.) Aussi ai-je ordonné à tous les habitants de Kumbakonam de
prendre de l’eau bénite dans les temples et d’aller en répandre un peu partout
dans les forêts en déclarant bien haut que tous les animaux de la forêt étaient
désormais de futurs sacrifices pour les dieux. Notre chasse en devient du même
coup parfaitement légitime, voyez-vous, chaque bête abattue étant une offrande.
Bien sûr, nos chasseurs ne manquent jamais d’aller en offrir un cuissot ou un
autre bon morceau aux sâdhu du temple afin qu’ils n’aillent pas
inconsidérément décider que nous aurions interprété de travers tel ou tel texte
sacré.
    Je soupirai. Il était vraiment impossible de lancer un
sujet inoffensif. S’il ne dénigrait pas explicitement ou implicitement les
Hindous, il les mettait en porte-à-faux. Mais j’essayai quand même :
    — Les chasseurs de Votre Altesse opèrent-ils à
dos de cheval ? Je vous demande cela car je crains que certains ne se
soient échappés de vos écuries royales. Dame Tofaa et moi-même en avons vu un
troupeau entier vagabonder dans la nature, de l’autre côté de la rivière.
    — Ah, vous êtes tombés sur mon aswamheda  !
cria-t-il, de nouveau plus jovial. C’est une autre de mes astuces,
figurez-vous. La province située au-delà de la Kolerun appartient à un rajah
rival. Aussi, chaque année, j’envoie délibérément là-bas un troupeau furieux.
Si mon voisin prend ombrage de cette ingérence et saisit les chevaux, j’ai
alors un prétexte tout trouvé pour envahir et confisquer ses terres. Si, au
contraire, il prend la peine de les rassembler et de me les restituer – ce
qu’il a fait pour l’instant tous les ans –, il reconnaît implicitement sa
soumission et ma suzeraineté. Aussi le monde entier est-il informé que je suis
son supérieur.
    Si ce petit rajah était le supérieur, décidai-je comme
le repas s’achevait, alors j’étais heureux de ne pas avoir rencontré l’autre.
Parce que celui-ci, pour marquer la fin du banquet, se pencha soudain
ostensiblement sur une fesse et émit avec application un vent fort volumineux,
bruyant et odoriférant.
    —  Son Altesse pète claironnèrent en chœur
les crieurs et les congratulateurs, ce qui me fit reculer de dégoût. La
nourriture était bonne, le repas fort acceptable, et la digestion de Son
Altesse demeure excellente, ses boyaux étant pour tous un exemple à suivre !
    Je ne nourrissais plus le moindre espoir, désormais,
quant à l’aide que pourrait m’apporter dans ma quête ce pauvre singe uniquement
préoccupé à jouer au grand seigneur. Toutefois, pendant que nous étions encore
tous à table en train de boire un cha tiède dans des coupes précieuses
aux formes irrégulières, je contai au petit rajah et à maître Khusru les
événements qui m’avaient mené jusqu’ici et quel était l’objet de ma quête,
concluant par ces mots :
    — Il appert donc, Votre Altesse, qu’un pêcheur de
perles de vos sujets aurait acquis la dent de Bouddha dans l’espoir qu’elle
portât chance à son commerce.
    Comme je pouvais m’y attendre, le petit rajah prit mon
affaire comme prétexte à une réflexion centrée sur les Hindous et l’hindouisme
en général, et sur sa petite personne en particulier.
    — Je suis fort contrarié, marmonna-t-il. Vous
insinuez, Marco- wallah, qu’un de mes sujets aurait pu imputer un

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