Marco Polo
musique
qui l’accompagnait était le tintement de la longue suite de bracelets qu’elle
portait de l’épaule au poignet sur un seul de ses bras. Je ne fus pas
particulièrement séduit – cela aurait pu être Tofaa, martelant le sol de ses
habituels pieds sales et agitant sa trop familière kaksha touffue –,
mais le rajah ne cessa de pouffer, de grogner de plaisir et de baver tout du
long, pour applaudir comme un fou dès que la jeune femme disparut.
Après quoi le vieux mendiant, toujours en haillons,
refit son apparition. Frottant ses yeux rougis et enflés suite à sa prestation
avec le palang, il fit un bref discours au petit rajah, qui se tourna
vers moi pour me dire :
— Le nâga explique qu’il est un yogi, Marco- wallah. Les adeptes de la secte Yoga sont initiés à bien des secrets et des arts
étranges. Vous allez voir. Si jamais vous entreteniez, comme je le suspecte, je
ne sais quel préjugé à l’encontre des Hindous – qui seraient attardés ou
dépourvus de toute aptitude –, vous allez vite changer d’opinion. Car ce que
vous allez découvrir maintenant est une merveille que seul un Hindou est
capable d’accomplir. Il s’adressa au mendiant qui attendait :
— Quel miracle vas-tu à présent nous montrer, ô
grand yogi ? Vas-tu te faire enterrer un long mois et revenir à la
vie ? Vas-tu ériger une corde, y grimper, puis disparaître dans les
deux ? Découper ton assistant en morceaux avant de nous le restituer
intact ? Nous feras-tu au moins la démonstration de l’un de tes exercices
de lévitation, ô saint yogi ?
Le vieil homme décrépit se mit à parler d’une petite
voix éraillée mais littéralement habitée, comme s’il nous faisait là une
annonce considérable, soulignée de force gesticulations spectaculaires. Le
petit rajah et le maître de musique se penchèrent en avant pour écouter avec
une vive attention, aussi fut-ce Tofaa qui prit le relais pour m’expliquer ce
qui allait se passer. Elle semblait ravie, d’ailleurs, et me dit, les yeux
brillants :
— Cela va être un prodige que tu
auras soin d’observer avec attention, Marco -wallah. Le yogi assure avoir
découvert un moyen révolutionnaire d’effectuer la surata avec une femme.
Au lieu de faire dégorger sa linga au moment extatique, comme tout homme
ordinaire, il va faire en sorte avec la sienne d’inhaler vers l’intérieur sa propre semence, ingérant ainsi d’une puissante succion toute la
puissance vitale de la jeune femme, sans perdre une goutte de la sienne. Non
seulement, affirme-t-il, sa découverte procure de fantastiques sensations, mais
sa pratique régulière confère à un homme une telle force vitale qu’il accède à la vie éternelle. N’es-tu pas tenté, Marco- wallah ?
— Ma foi, concédai-je, voilà qui semble une
variation de l’ordinaire assez captivante, en effet.
— Oui ! Montre-nous, ô yogi ! lui cria
le petit rajah. Montre-nous cet instant. Crieurs, amenez la danseuse du ventre.
Elle est déjà nue et prête à l’usage.
Les six hommes sortirent de nouveau au trot en rang
serré. Mais le yogi leva la main en guise d’avertissement et déclama autre
chose.
— Il dit qu’il ne souhaite pas accomplir
l’exercice avec une précieuse danseuse, traduisit Tofaa. En effet, celle-ci
risquerait de s’atrophier quelque peu au moment où sa linga l’aspirerait
de l’intérieur. Il a donc demandé qu’on lui procure un yoni avec lequel
il fera sa démonstration.
Les six crieurs revinrent en trottinant accompagnés de
la danseuse nue, mais, sur un nouvel ordre du petit rajah, ils repartirent
aussitôt.
— Comment espère-t-il obtenir un yoni, demandai-je,
sans la femme qui va avec ?
— Un yoni de pierre, précisa Tofaa. Autour
de chaque temple se dressent des colonnes sculptées en forme de linga, lesquelles
représentent le dieu Shiva, et des trous censés figurer le yoni de sa
compagne, la déesse Parvati.
Les six hommes revinrent, l’un d’eux chargé d’une
pierre semblable à une petite roue, percée d’une ouverture ovale qui rappelait
vaguement le yoni féminin, jusqu’à la fourrure de la kaksha sculptée
tout autour.
Le yogi exécuta un certain nombre de gesticulations
préparatoires et prononça ce qui avait l’air de ressembler à de solennelles
incantations, puis sépara deux lambeaux de son dhotì pour exhiber sans
pudeur sa linga, brindille à l’écorce noire. Avec force moulinets de
bras et autres gestes de
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