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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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Narine ? Il se tordit les
mains.
    — Non, rien. Si ce n’est que je suis tombé
amoureux.
    — Tiens donc..., fis-je, distrait par les pensées
dans lesquelles j’étais déjà immergé. De quoi, cette fois ?
    — Maître, ne vous moquez pas, je vous en prie.
D’une femme, évidemment !
    — Comment cela, évidemment ! Tu as eu
par le passé des relations intimes avec une ponette de Bagdad, un jeune garçon
de Kachan, sans compter un bébé Sindi de sexe indéterminé...
    Narine se tordait les mains de plus belle.
    — S’il vous plaît, maître, ne lui racontez pas
cela.
    — Le raconter ? Mais à qui ?
    — À la princesse Mar-Janah.
    — Oh, oui. Je vois... Alors, comme ça, tu as jeté
ton dévolu sur une princesse, c’est bien cela ? Dame, je veux bien
admettre que tu fais dans la variété... D’accord, je ne lui dirai rien.
D’ailleurs, pourquoi lui dirais-je quoi que ce soit ?
    — C’est que j’aurais une faveur à vous demander,
maître Marco. J’aimerais que vous lui parliez de ma part. Que vous lui dressiez
le tableau de mes grâces et de mes vertus.
    — Tes grâces ? Tes vertus ? Por Dio, je n’ai jamais été tout à fait certain que tu es humain !
    — S’il vous plaît, maître. Voyez-vous, il y a
dans ce palais certaines règles à respecter, lorsqu’un esclave entend en
épouser une autre, et...
    — Épouser ? Tu parles de mariage !
    Je faillis avaler de travers.
    — Il est vrai, comme l’affirme le Prophète, que
toutes les femmes sont des pierres, fit-il, pensif. Mais si certaines sont des
boulets que l’on traîne, d’autres, au contraire, sont comme des pierres
précieuses accrochées à notre cœur.
    — Narine, commençai-je avec toute la douceur dont
je me sentais capable. Cette femme est peut-être descendue bien bas sur cette
terre, mais... (je marquai une pause, ne pouvant me résoudre à lui dire :
« mais pas aussi bas que toi »)... mais même si elle n’est plus
aujourd’hui qu’une esclave, elle a un jour été princesse, tandis que toi, de
ton propre aveu, tu n’étais alors qu’un conducteur de bestiaux. Par ailleurs,
que je sache, cette femme est belle ou du moins l’a été.
    — Elle l’est, confirma-t-il. Comme je l’ai
moi-même été... un jour.
    Exaspéré par la résurgence de cette vieille fable, je
lançai :
    — T’a-t-elle vu, récemment ? Enfin, Narine,
regarde-toi un peu ! Tu es aussi disgracieux qu’un oiseau-chameau,
ventripotent, avec de petits yeux de cochon, toujours le doigt élégamment fourré
dans ton unique narine ! Allez, dis-moi franchement, depuis que tu t’es
mis en tête d’enquêter sur son identité, t’es-tu seulement présenté à cette
princesse Mar-Janah ? T’a-t-elle reconnu ? Dans ce cas, a-t-elle
immédiatement pris la fuite, saisie d’effroi, ou s’est-elle contentée d’éclater
de rire ?
    — Non, concéda-t-il, tête baissée. Je ne suis pas
allé à sa rencontre. Je n’ai fait que la vénérer de loin. J’espérais que
d’abord vous pourriez lui glisser quelques mots... pour la préparer... pour éveiller
en elle le désir de me connaître...
    À cet instant, ce fut moi qui manquai exploser de
rire.
    — J’avais bien besoin de cela ! Honnêtement,
je n’ai jamais entendu pareille effronterie. Me demander à moi d’aller jouer
les entremetteurs entre deux esclaves ! Et pour lui dire quoi,
Narine ? (Prenant une voix enjôleuse, comme si je m’adressais à la
princesse, j’ironisai.) Pour autant que je sache, Votre Altesse, je puis vous
certifier que votre soupirant et adorateur ne souffre d’aucune maladie honteuse
des parties intimes...
    Puis j’enchaînai durement :
    — Que pourrais-je donc trouver à lui débiter,
hormis des mensonges à damner mon âme pour l’éternité, dans l’espoir fou
d’attirer son attention – d’ancienne princesse, de surcroît –, sur la pauvre
personne que tu es, et qu’hélas je ne connais que trop bien ?
    Avec une dignité grotesque pour une telle créature,
Narine répliqua :
    — Si le maître avait la bonté de m’écouter un
peu, je lui conterais une partie de l’historique de cette affaire.
    — Eh bien, vas-y, mais fais vite ! J’ai du
travail.
    — Tout a commencé il y a une vingtaine d’années,
dans la capitale de la Cappadoce, Erzincan. Elle était, c’est vrai, princesse
turque, fille du roi Kilij, et moi un simple conducteur de bestiaux sindi à son
service. L’un comme l’autre

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