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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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plus hésitant :
    — Mmm... C’est salé, un peu amer, avec un
arrière-goût vinaigré... Mais qu’est-ce donc ?
    Maître Shi sourit largement et lança :
    — L’urine cristallisée d’un garçon impubère.
    —  Vakh ! grondai-je, passant ma
manche sur mes lèvres.
    — Le tung-bian, la pierre d’automne des
Han.
    Il semblait jouir méchamment de ma déconfiture.
    — Les sorciers, les magiciens et autres
alchimistes le tiennent en très haute estime. Il est employé comme médicament,
et l’on s’en sert entre autres pour fabriquer des philtres d’amour. On
recueille l’urine d’un garçon qui n’a pas dépassé l’âge de douze ans et, après
l’avoir filtrée dans la cendre, on la laisse se solidifier en cristaux. Pas
facile à se procurer, vous l’imaginez, et toujours en quantités négligeables.
Mais, depuis le fond des âges, la composition de la poudre inflammable, qui n’a
jamais varié, exige cela : du charbon de bois, du soufre et de la pierre
d’automne. Si les deux premiers ingrédients se trouvent à foison, le troisième
est rare. C’est la raison pour laquelle, jusqu’à mon arrivée, on fabriquait si
peu de poudre inflammable.
    — Vous avez découvert comment vous procurer de
l’urine de garçon impubère en grande quantité ?
    Il s’ébroua de nouveau, tout à fait à la façon de
Mordecai.
    — Il y a parfois des avantages à venir d’une
famille humble. La première fois que j’ai goûté à cet ingrédient, comme vous
venez de le faire, je l’ai identifié à une autre substance encore bien moins
raffinée. Mon père était poissonnier ambulant. Pour donner à ses filets de
poisson bon marché une couleur rose plus alléchante, il les trempait dans une
saumure de ce sel commun appelé salpêtre. J’ignore s’il est présent dans
l’urine de garçon impubère, et je n’en ai cure, puisque pour m’en fournir je
n’ai besoin d’aucun garçon. Il y a dans Kithai de nombreux lacs salés, bordés
de croûtes qui en sont saturées. Voici comment, des siècles après l’invention
de la poudre inflammable par un génial alchimiste han, l’esprit curieux que je
suis, simple rejeton d’un Juif Shi, vulgaire poissonnier ambulant, a pu pour la
première fois en fabriquer en grande quantité et procéder à ces glorieux
spectacles de fiers rameaux aux fleurs éclatantes que tous peuvent désormais
apprécier partout dans l’empire.
    — Maître Shi, enchaînai-je avec une certaine
timidité, au-delà de mon admiration pour la beauté de vos créations, j’ai été
saisi par l’idée de les rendre utiles. En voyant mon cheval se cabrer lorsque
j’ai découvert cette étonnante parade visuelle, une question m’est venue :
ne pourrait-on utiliser les engins qui les propulsent comme des machines de
guerre ? Pour briser une charge de cavalerie, par exemple ?
    Il eut de nouveau un soupir de dédain.
    — Une belle idée, certes, mais vous retardez de
plus de soixante ans. L’année de ma naissance – c’est-à-dire, sauf erreur, en
l’an mille deux cent quatorze de votre ère chrétienne –, la ville où je vis le
jour, Kaifeng, fut assiégée par les Mongols de Gengis khan. Sa cavalerie,
effrayée par les boules de feu qu’on lançait sur elle, leurs étincelles
fusantes, leur sifflement et leurs détonations, se dispersa. Pas pour
longtemps, vous vous en doutez. Les Mongols finirent par prendre la ville.
Pourtant, la vaillance avec laquelle le Maître Artificier s’était opposé à eux
devint légendaire. Et, comme je vous l’ai dit, nous autres Juifs retenons
toujours les légendes. C’est ainsi qu’en grandissant je demeurai fasciné par le
sujet, jusqu’à devenir artificier moi-même. C’était la première fois, à
Kaifeng, que l’on utilisait la poudre inflammable à des fins militaires.
    — La première, répétai-je. Il y en aurait eu
d’autres depuis ?
    — Notre khan Kubilaï n’est pas homme à ignorer
une arme de guerre aussi prometteuse, souligna maître Shi. Bien que je n’aie
aucune envie d’essayer de nouvelles applications de mon art, il m’a chargé d’enquêter
sur les moyens d’exploiter le huo-yao aux fins de fabriquer des missiles
de guerre. J’ai déjà remporté quelques succès en la matière.
    — Je serais fort honoré de les connaître,
déclarai-je.
    Le Maître Artificier semblait réticent à se confier.
Me regardant de sous ses sourcils roussâtres, il expliqua :
    — Les Han racontent

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