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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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moulé
dans la terre cuite un grand nombre de fois chaque caractère du langage des Han
– ainsi que ceux de la langue des Mongols, désormais –, aussi le zi-shu-ju peut-il
les combiner de façon à former tous les mots sur des pages entières, jusqu’à
constituer des livres complets. Le système permet évidemment de multiplier à
l’envi le nombre de copies d’un livre, de façon bien plus rapide et plus
parfaite que le travail d’un scribe. Il serait pour vous tout aussi simple de
modeler des sceaux des caractères arabes ou de l’alphabet latin pour fabriquer
des livres dans n’importe quelle langue, à bon marché et en quantité
illimitée !
    — Vous le pensez vraiment ? murmurai-je. Ma
foi, wali, je trouve cette invention plus admirable encore que celle de
la monnaie volante, en dépit des avantages qu’elle recèle.
    — Exact, Folo. C’est précisément ce que je me
suis dit dès que j’ai vu l’un de ces livres d’écriture rassemblée. J’ai même
pensé envoyer des experts han en Arabie pour initier les habitants de mon pays
natal à cette technique du zi-shu-ju. Heureusement, j’ai appris à temps
que les caractères étaient encrés à l’aide de brosses garnies de soies de porc,
détail qui rend inenvisageable l’extension du processus aux nations gouvernées
par le saint islam.
    — Oui, je comprends. Eh bien, je vous remercie, wali Ahmad, à la fois pour mes gages et pour ce que vous m’avez appris.
    Sur ces mots, j’entrepris de glisser la liasse de
billets dans ma bourse de ceinture.
    — Permettez-moi, glissa-t-il avec désinvolture,
d’ajouter pour votre gouverne deux ou trois miettes d’instruction. Il existe en
effet quelques endroits où cette monnaie volante n’a pas cours. À titre
d’exemple, il se trouve que le Caresseur n’accepte les pots-de-vin qu’en or
bien solide. Mais vous le savez déjà, je pense.
    Prenant soin de masquer sur mon visage toute trace
d’émotion, je levai mes yeux de ma bourse pour les porter à la rencontre de son
regard froid couleur d’agate. Tremblant à l’idée de ce qu’il pouvait connaître
de mes agissements, je l’entendis renchérir, sur un ton d’une mielleuse
obligeance :
    — Je n’irai pas jusqu’à insinuer que vous auriez
pu, ce faisant, désobéir au khakhan... Après tout, c’est lui qui vous a chargé
d’enquêter. Mais je me permettrai de vous conseiller de circonscrire vos
investigations aux classes supérieures du palais. D’éviter à l’avenir, par
conséquent, les donjons de maître Fing. Ou le quartier des domestiques.
    Il n’ignorait donc pas que j’avais laissé traîner une
oreille dans ces milieux-là. Mais savait-il quel but je poursuivais ? Se
doutait-il de l’intérêt que je portais au ministre des Races minoritaires, et
si oui, qu’aurait-il pu y trouver à redire ? Craignait-il que j’apprenne
de quoi ternir la réputation du Premier ministre Ahmad ? Je demeurai
impassible.
    — Les cellules du donjon sont des lieux
inhospitaliers et fort préjudiciables à la santé, poursuivit-il avec le même
détachement que s’il me mettait en garde contre les dangers de l’humidité en
matière de rhumatismes. Mais les tortures peuvent aussi survenir en surface,
bien plus cruelles encore que celles infligées par le Caresseur.
    Là, je me devais de le reprendre.
    — Je vois mal ce qui pourrait être pire que la
Mort des Mille. Peut-être, wali Ahmad, ignorez-vous...
    — Je n’ignore rien de ces tortures. Mais le
Caresseur lui-même sait qu’on peut prodiguer pire mort encore que celle-ci. Et
j’en connais plusieurs.
    Il sourit – tout du moins ses lèvres en esquissèrent
le mouvement, ses yeux demeurant, eux, durs comme la pierre – et poursuivit,
énigmatique :
    — Vous autres, chrétiens, imaginez l’enfer comme
le plus affreux martyre qui se puisse concevoir, et votre Bible le décrit comme
un lieu de douleurs. « Dans le feu de l’enfer, un feu éternel où les vers
vous rongent sans fin... » Ainsi le présentait votre aimable Jésus en
s’adressant à ses disciples à Capharnaum. Comme lui, maître Folo, je ne saurais
trop vous suggérer d’éviter l’enfer, ainsi que toute tentation qui pourrait
vous en rapprocher. Mais j’ai encore mieux à vous dire, concernant cet enfer,
que ce qu’affirme votre Bible. C’est que ce n’est pas nécessairement un feu
éternel, un amas de vers qui vous rongent, ni même une douleur physique.
L’enfer, c’est ce qui

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